Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/814

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la mécanique, de la physique et de la chimie à l’étude des êtres organisés. Ces travaux lui ont mérité, outre les applaudissemens de savans du premier ordre, les nobles encouragemens du respectable prélat que la religion et la philosophie éclairée voient avec tant de bonheur à la tête du diocèse de Paris. L’électricité travaille chez M. Ville, comme une ouvrière.

L’électricité voltaïque agit sur l’aiguille aimantée. Nouvelles exigences de l’esprit expérimentateur moderne ; toujours des réponses affirmatives. L’électricité peut-elle faire un aimant sans acier, sans fer, sans les minerais de Midas en Asie ou de l’île d’Elbe en Europe ? Oui. Mais avec un morceau de fer aimanté nous voudrions avoir de l’électricité. En voilà ! Voilà des étincelles, voilà du feu, voilà des courans électriques, chimiques, physiologiques, télégraphiques, et le tout extrait d’un morceau d’acier aimanté qui avant 1820 semblait occupé par l’agent le plus inerte que l’on pût imaginer : le magnétisme. Maintenant la pierre d’aimant pourrait reprendre son antique nom de pierre d’Hercule.

On a dit encore au courant électrique : Ne pourriez-vous point voyager en courrier, de Paris à Marseille par exemple, sur des fils métalliques ? La réponse a été qu’avant qu’on eût fini de prononcer le mot de Marseille, le courant était déjà arrivé à l’extrémité de la France. Il aurait pu faire dans le même temps deux ou trois fois le tour du monde. Pour avoir l’idée d’une merveille, il suffit de nommer le télégraphe électrique.

Notez que chacune de ces branches de la science de l’électricité est une science, un art, une industrie tout entière. Mesurez à l’utilité seule des sociétés modernes les propriétés de l’agent électrique, à combien de millions les estimerez-vous ? Je ne puis assez citer ces belles paroles de Napoléon Ier, membre de l’Institut, et de ce titre faisant précéder même ses titres militaires : « Les souverains qui m’ont précédé n’ont jamais pu comprendre que dans les siècles modernes le pouvoir de la science fait partie de la science du pouvoir. » Quelle leçon d’économie sociale !

Avons-nous fini avec le domaine de l’électricité travailleuse ? Oh ! pas encore. La physique reconnaît que le globe n’est qu’une grande machine électrique, dont les courans dirigent l’aiguille aimantée, qui sert elle-même de guide aux navigateurs. Voilà encore une science et une industrie tout entière : on en peut dire autant des actions chimiques. La chimie doit à l’électricité tant de compositions et de décompositions, tant d’actions moléculaires diverses, tant de métaux produits pour la première fois, qu’en un mot une des théories les plus étendues de la chimie est la théorie des propriétés électriques des élémens primitifs des corps simples ou composés.

La foudre et l’électricité entraînent avec elles une petite quantité de matières excessivement divisées qu’elles abandonnent en s’étendant sur les corps qu’elles viennent frapper ; aussi la foudre, comme l’étincelle électrique, incruste d’une légère couche de matière étrangère les objets qu’elle frappe. Je dois à l’obligeance de feu le baron de Gazan des échantillons de marbre grossier ou de calcaire compacte formant les cimes aiguës de quelques promontoires de la baie de Cannes en Provence, et qui, frappés de coups de foudre réitérés, sont recouverts d’une couche égale en épaisseur à une pièce d’argent de cinq francs. Les noms de MM. de Ruolz, Elkington et Christofle