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La galvanoplastie est donc à la fois une science, un art, une industrie. Elle est à la sculpture et à la gravure ce que la photographie est à la peinture. Pour suppléer par le dessin à la moindre épreuve photographique, il faudrait des années entières et un art au-dessus de l’humanité. De même, pour reproduire autrement que par la galvanoplastie une statuette ou un bas-relief avec la précision et la fidélité de l’agent électrique, il faudrait plus que le talent d’un artiste de premier ordre.

Terminons par la galvanoplastie de la nature, et l’on verra les forces naturelles travailler avec un art rival des opérations industrielles.

D’abord le globe entier, avec son atmosphère magnétique, ses continens solides, son noyau intérieur en fusion ignée, et les réactions électriques qui en sont la suite, est une véritable machine ou pile électrique, ayant des courans dirigés de l’est à l’ouest, ainsi que l’indique son action sur l’aiguille des boussoles, qu’il dirige nord et sud. Ces courans circulent incessamment sous le sol, et traversent toutes les matières dont la croûte de la terre est composée, en se frayant une route dont la direction et surtout la quantité de fluide dépendent de l’état et de la composition du sol. Ces courans électriques, quelque faibles qu’ils puissent être, entraînent à la longue les parties métalliques du sol, et les charrient jusqu’au premier obstacle ou affaiblissement qu’ils rencontrent. Là ils les abandonnent, et là se forme un vrai dépôt ou filon métallique. Ce dépôt a lieu principalement dans les grandes fissures ou crevasses du sol remplies par les débris qui s’y sont entassés en tombant au fond ou par la lave qui y a remonté en foisonnant du noyau intérieur. Ce sont ces dépôts que le mineur exploite par des galeries souterraines conduites au milieu de la partie du sol imprégnée de substances métalliques, soit à l’état natif et pur comme l’or et le mercure, soit à l’état oxydé ou terreux comme le fer, le cuivre, le zinc, etc. Une belle expérience, due primitivement, je pense, à M. Cross, met cette analogie dans tout son jour. On place sur une plate-forme une grande masse de terre glaise humide, à laquelle on mélange des particules métalliques quelconques dans un état très divisé et sous forme terreuse d’oxyde métallique. On partage la terre glaise en deux au moyen d’un instrument tranchant comme la lame d’un grand couteau ou d’un sabre ; on rapproche ensuite jusqu’au contact ces deux portions momentanément séparées. Alors, en faisant passer l’électricité au travers de la masse totale, il se fait dans la fente, dont les parois ont été rapprochées, un dépôt métallique, un petit filon en miniature qui nous donne le secret des dépôts métalliques de la nature opérés dans les vastes élevasses des terrains primitifs et secondaires. Tout le monde sait que M. Becquerel a traité par l’électricité des terrains argentifères de France et des pays étrangers, et la question de l’extraction électrique du métal précieux par un courant voltaïque qui l’entraîne est complètement résolue au point de vue scientifique. Il reste à considérer le point de vue économique. Je me souviens parfaitement d’avoir vu d’énormes lingots formés d’argent retiré ainsi de terres métallifères. Cet argent était d’une pureté absolue. La nature a donc sa galvanoplastie intérieure, comme elle a, suivant un cristallographe ancien, sa géométrie souterraine. Natura geometriam exercet in visceribus terrae.

Il n’est pas très facile de se figurer comment cet agent si peu matériel,