Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/819

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savoir le courant électrique, peut entraîner les particules métalliques pour les abandonner quand un obstacle ou un affaiblissement quelconque lui ôte la force de les porter plus loin. C’est ainsi qu’un torrent qui roule avec ses eaux des pierres et des sables infertiles les dépose dans la plaine où sa fougue vient expirer. C’est ainsi qu’en trouvant un obstacle à franchir, un loup qui emporte un mouton ou un lion qui emporte un bœuf sont forcés de lâcher leur proie. De quelque manière que la chose se fasse, on observe, dans les expériences de physique de nombreux transports de matière qui suivent le courant électrique. Ainsi, en faisant communiquer deux vases à demi pleins d’eau par un simple fil mouillé et conduisant l’électricité par ce fil, on voit l’un des vases se remplir aux dépens de l’autre, qui se vide par une action mystérieuse. On peut encore transporter la salure d’un vase dans un autre, et même faire passer au travers d’une substance, sans qu’il s’exerce aucune action, un corps qui, s’il n’était conduit par l’électricité, réagirait violemment sur cette substance. Tout l’admirable mécanisme de la nutrition, des sécrétions, de la digestion dans les corps vivans, est fondé sur des transports électriques, et cela est tellement vrai, que, dans des animaux dont les nerfs allant à l’estomac ont été coupés, on rétablit la digestion en remplaçant la portion de nerf qui manque par un fil ou une lame métallique qui rétablit la communication électrique. On a dit depuis longtemps que la puissance créatrice montrait principalement sa grandeur dans les plus petits objets de la nature. Pour ceux qui savent observer, quoi de plus merveilleux que ces actions silencieuses qui vont à leur but sans effort, sans résistance, sans choc, qui font naître, développent, nourrissent, préservent l’être vivant, tandis que, quand l’homme veut commander aux élémens en les opposant les uns aux autres, le feu, l’eau, le vent, la vapeur, les marteaux, les leviers sifflent, grondent, bruissent de mille manières, et retentissent inharmonieusement, toujours prêts à se soustraire à l’empire de l’intelligence, qui semble les faire obéir malgré eux !

Si l’on implante dans la terre, à une certaine distance l’une de l’autre, deux larges plaques métalliques unies par un long fil métallique porté dans l’air, ce fil est parcouru par un courant presque continuel. S’il existe dans le sol des courans emportant avec eux des principes quelconques, on peut espérer qu’ils se déposeront sur la plaque métallique où ils entrent ; c’est ce qu’on n’a point encore expérimenté. Comme les courans du globe terrestre vont de l’est à l’ouest, c’est dans cette direction qu’il faudrait établir les deux plaques conductrices de l’électricité. Par suite, on pourrait présumer que les dépôts métalliques de la nature ont dû principalement se faire le long des chaînes de montagnes ou des fissures du sol dirigées du nord au sud, et qui barraient le passage aux courans électriques dirigés de l’est à l’ouest. Telle est en effet la chaîne aurifère de l’Oural, qui sépare l’Europe de l’Asie. Avec un peu de bonne volonté, on pourrait en dire autant des montagnes de la Californie et de l’Australie ; mais les observations nous manquent encore pour conclure rien de précis sur ces grands phénomènes. En attendant, répétons toujours qu’il faut savoir ignorer, au moins provisoirement.

Dans la galvanoplastie de la nature, on se demande d’où peuvent provenir ces métaux, cet or natif que contiennent les terrains et les filons en masses