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les politiques des quatre puissances, en les mettant en contact quotidien, en les fondant pour ainsi dire dans une même pensée, elle les liait pour toutes les chances de l’avenir. Le plus simple bon sens n’indiquait-il pas en effet que des politiques ainsi réunies à la poursuite du même but, animées du même esprit, marchant de concert dans la période des négociations, ne pourraient plus se séparer le jour où la phase diplomatique serait épuisée, et où il faudrait entrer sur le terrain de l’action ?

Le gouvernement autrichien pensa être arrivé tout de suite à ses fins, lorsque la conférence adopta la note de Vienne. En Autriche, plus encore que dans le reste de l’Europe, on dut croire que la question était terminée. Ainsi la politique autrichienne n’aurait été troublée que par une alerte violente, mais passagère ; elle aurait été délivrée du terrible dilemme dont la perspective l’avait un instant effrayée : elle n’aurait plus à opter entre l’intérêt de sa conservation intérieure, attachée par le préjugé à l’alliance russe, et l’intérêt de sa conservation extérieure, entraînant l’hostilité contre la Russie. Nous avons longuement raconté ailleurs l’histoire de la note de Vienne, et nous n’avons plus à y revenir[1] ; mais avant de reprendre les choses au moment où cette espérance de l’Autriche fut déçue, qu’on nous permette de nous reposer sur un épisode intéressant qui se passa pendant cette courte trêve d’un mois donnée aux arides préoccupations de la politique. Nous voulons parler des fiançailles du jeune empereur d’Autriche. Les faits que nous allons raconter sont peu connus ; nous craindrions presque de les dérober au gracieux mystère qui les entoura, s’ils ne nous paraissaient de nature à jeter un jour attachant sur le caractère et la figure généreuse du jeune empereur François-Joseph.

Le 18 août est l’anniversaire de la naissance de l’empereur d’Autriche. L’année dernière, deux jours avant sa fête, l’empereur quitta brusquement Scheunbrunn pour se soustraire aux solennités officielles. Il se rendit aux eaux d’Ischl, où l’avaient précédé l’archiduchesse Sophie et les archiducs. On pensait à Vienne qu’il allait passer la fin du mois dans le calme d’une réunion de famille. La duchesse en Bavière et ses deux filles étaient déjà depuis quelques jours à Ischl : les jeunes princesses, cousines de l’empereur par leur mère, n’avaient eu jusque-là qu’une seule occasion d’approcher le chef de la maison impériale. Le soir de l’arrivée de l’empereur, sa mère, l’archiduchesse Sophie, voulut lui donner la distraction d’un bal improvisé, auquel furent naturellement invitées les deux princesses de Bavière et l’élite de la société des eaux. L’empereur se montra empressé

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 mars 1854.