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auprès de ses cousines : il invita la plus jeune pour la contredanse qui termine les bals viennois. Il est d’usage à Vienne que le cavalier, après cette contredanse, offre un bouquet à une autre danseuse que la sienne. L’empereur présenta son bouquet à sa cousine. Cette dérogation à l’usage fut remarquée. Le bal fini, quand l’assemblée se fut retirée, l’empereur déclara à sa mère que la princesse Elisabeth avait fixé son choix, qu’il l’épouserait ou ne se marierait pas. L’archiduchesse Sophie dut être surprise d’une déclaration si spontanée et si imprévue : on n’avait jamais songé, jusqu’à ce moment, comme future impératrice, qu’à une princesse de Saxe. L’empereur voulut que la jeune princesse de Bavière fût consultée, et qu’on n’usât d’aucune influence pour obtenir d’elle une réponse favorable. — « Moi qui suis si peu de chose, ce n’est pas possible, » s’écria la princesse Elisabeth à la première ouverture de sa tante. Après ce mouvement de timide incrédulité, la jeune princesse, convaincue que la proposition était sérieuse, donna son consentement avec une joie modeste. Le lendemain, c’était le 19, l’empereur se rendit de bonne heure à l’église accompagné de sa mère, de ses frères, de sa tante et de ses cousines. Au seuil de la porte, l’archiduchesse céda le pas à la plus jeune de ses nièces, et les archiducs reconnurent à cette déférence une impératrice. La messe dite, au moment où le prêtre descendait de l’autel, l’empereur s’avança vers lui en conduisant par la main la princesse Elisabeth : — « Bénissez-nous, dit-il, monsieur le curé, voilà ma fiancée ! » En revenant de l’église, l’empereur rencontra le général O’Donnel, celui qui l’accompagnait, quelques mois avant, le jour où l’avait frappé un assassin. — « C’est vraiment aujourd’hui, lui dit-il en lui serrant la main, que je vous remercie de m’avoir sauvé la vie. » Ainsi fut arrêtée, durant une éclaircie de la question d’Orient, l’union qui a été célébrée le mois dernier. L’histoire de la famille impériale d’Autriche a plusieurs fois offert des épisodes doucement éclairés de la simplicité et du charme de la vie intime : elle n’en avait pas eu de plus délicats et de plus sourians.

Les débats relatifs à la note de Vienne, aux modifications turques et au plan d’Olmütz remplirent le mois de septembre et les premiers jours d’octobre. L’échec de ces tentatives, où l’Autriche avait eu la plus grande part, et au succès desquelles elle était la plus immédiatement intéressée, durent plus vivement la contrarier qu’aucune autre puissance. Ces avortemens furent une grande épreuve pour la politique autrichienne. Elle n’en sortit cependant que pour faire de nouveaux pas vers nous et se lier plus étroitement à la politique occidentale.

La guerre avait été déclarée par la Porte le 26 septembre ; des mesures de précaution avaient dû être prises par la France et l’Angleterre,