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tout disposé, avant de me rendre à Vienne, à aller conférer avec lui à Paris… mais il ne doit pas penser que je puisse manquer à la promesse que j’ai faite de me rencontrer à Vienne avec mes anciens collègues vers le 10 septembre, et il ne doit pas interpréter défavorablement les conférences préliminaires que j’aurai avec eux sur un système résultant d’engagemens pris bien longtemps avant qu’il nous fût possible de compter le gouvernement français au nombre de nos amis.


En réalité, l’Angleterre ne voulait se lier au gouvernement français qu’après s’être bien assurée qu’elle avait absolument besoin de son concours pour arriver à ses fins, et la France au contraire voulait hâter autant que possible un rapprochement qui était pour elle le moyen de reprendre rang parmi les grandes puissances. Tout en reconnaissant que l’ensemble de la situation appelait les deux cours à s’ériger en arbitres pour préserver la paix générale, le duc de Wellington, d’accord en cela avec la pensée de son gouvernement, était d’avis qu’il ne fallait pas, comme M. de Talleyrand l’eût désiré, proclamer à l’avance cet arbitrage, et qu’une telle attitude prise prématurément ferait tort à l’Angleterre, qui semblerait se complaire à briser capricieusement la grande alliance avant que les faits eussent démontré l’impossibilité de la maintenir.

Le congrès s’ouvrit enfin le 3 novembre. L’empereur de Russie, le roi de Prusse, le roi de Danemark et un grand nombre de souverains allemands s’y étaient rendus avec leurs principaux conseillers. L’Angleterre et la France y étaient représentées par leurs ministres des affaires étrangères, accompagnés chacun de plusieurs autres plénipotentiaires ; ceux qui assistaient lord Castlereagh étaient lord Clancarty, lord Cathcart et sir Charles Stewart, qu’on appelait maintenant lord Stewart ; l’Espagne, le Portugal, les états d’Italie avaient aussi envoyé des ministres à ces états-généraux européens.

Je ne ferai pas ici l’histoire complète de ce congrès, je me bornerai à raconter les incidens principaux qui caractérisèrent la marche des négociations.

L’opiniâtreté hautaine avec laquelle la Russie et la Prusse se refusèrent d’abord à toute transaction, les manifestations menaçâmes qui semblaient annoncer de leur part l’intention de soutenir à tout prix leurs exorbitantes prétentions sur la Pologne et sur la Saxe, déjouèrent complètement la politique circonspecte du cabinet de Londres. M. de Talleyrand, profitant des dissensions de la grande alliance, sut dès le premier moment se placer au niveau des représentans des autres grandes cours, qui avaient voulu le reléguer dans une position secondaire. S’appuyant à la fois sur sa vieille réputation d’habileté et sur l’avantage qu’avait la France de ne porter dans ces négociations aucune vue d’intérêt particulier, il prit en peu de temps une