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des états de l’église, mais qu’il se défendrait à outrance si on voulait lui enlever son royaume, lord Castlereagh lui répéta la déclaration qu’il avait déjà faite, avant de quitter Londres, à un autre envoyé napolitain, le prince Cariati : « Si Murat, lui dit-il, avait pris une part active et décisive à la guerre, il aurait placé la Grande-Bretagne et les autres cours dans l’obligation d’insister auprès des Bourbons de Sicile pour les engager à se contenter d’une indemnité ; mais, par ses lenteurs et ses hésitations, il s’était mis hors d’état de réclamer comme un droit l’appui des alliés, et c’était sur le principe des convenances générales que la question devait maintenant être résolue. »

L’Autriche cependant avait peine à se décider à prendre parti contre Murat, dont elle avait si positivement garanti la royauté ; mais comme personne ne supposait que les scrupules de M. de Metternich pussent aller jusqu’à lui faire prendre d’une manière active la défense du possesseur actuel du trône de Naples, les gouvernemens qui voulaient le renverser cherchaient les moyens de se passer, dans cette entreprise, du concours du cabinet de Vienne. Divers projets furent mis en avant. L’un de ces projets, concerté entre le duc de Wellington et M. de Blacas, consistait à faire transporter sur les côtes napolitaines, par une escadre anglaise, quarante mille soldats français, auxquels se seraient joints vingt mille Anglais, dix mille Espagnols, douze mille Portugais et dix mille Siciliens. Le duc de Wellington pensait que de telles forces étaient suffisantes pour atteindre en très peu de temps le but qu’on se proposait, mais il doutait que, dans la situation où vingt ans de guerre avaient réduit les finances de l’Angleterre, l’opinion permit au gouvernement d’imposer au pays cette nouvelle charge. Il en concluait que Murat finirait par échapper au péril dont il semblait menacé. Quelque désir qu’il eût d’ailleurs de voir renverser un pouvoir dont l’existence lui semblait un danger permanent pour l’Italie et pour l’Europe, sa conscience n’était pas pleinement rassurée sur le point de droit. « Après tout, écrivait-il à lord Castlereagh, notre intervention dans cette affaire comme partie principale ne laisse pas de constituer une question assez délicate à raison des circonstances du traité signé entre l’Autriche et Murat, de la suspension d’armes que nous avions nous-mêmes conclue avec lui, et du fait que l’Autriche, se déclarant satisfaite de la manière dont il a accompli ses engagemens, ne veut pas s’associer à l’attaque dont il serait l’objet. »

Le cabinet de Londres jugea en effet que l’Angleterre ne pouvait prendre part militairement à l’expédition dont il s’agissait ; mais lord Liverpool, loin de partager les scrupules dont les lettres du duc de Wellington reproduisent plus d’une fois l’expression, lui écrivit