Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/945

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recherchant avec empressement toutes les informations, tous les indices qui pouvaient donner lieu d’accuser Murat de n’avoir pas exécuté fidèlement les conditions de son traité avec l’Autriche et fournir ainsi un prétexte de manquer aux promesses qu’on lui avait faites. Ce malheureux prince, dont l’existence après la chute de l’empire français ne paraissait plus qu’une anomalie scandaleuse, trouvait maintenant de nombreux accusateurs. L’ancien vice-roi d’Italie, le prince Eugène, cédant à un ressentiment bien justifié, mais qu’il eût été plus généreux de contenir, le dénonçait aux alliés comme ayant entretenu des relations secrètes avec la France après son accession à la coalition ; le cabinet des Tuileries appuyait cette affirmation par des documens trouvés dans les archives du gouvernement impérial. Il ne paraît pas douteux que Murat, au moment où il s’était décidé à sacrifier tout son passé pour essayer de soustraire sa fortune au naufrage napoléonien, avait éprouvé de grandes incertitudes, que ses hésitations en présence d’un avenir encore douteux et probablement aussi le trouble de sa conscience s’étaient manifestés par des actes contradictoires, par de maladroites tentatives pour se ménager des chances dans toutes les éventualités. Il n’avait pas apporté à la coalition un concours bien actif ; le seul fait de son adhésion avait eu cependant, comme je l’ai expliqué, une influence décisive sur le sort de l’Italie et sur l’issue même de la guerre dont la France était alors le principal théâtre. La loyauté semblait donc commander aux alliés, dont il avait ainsi assuré le triomphe définitif, de ne pas lui demander un compte trop sévère de ce que sa conduite avait pu avoir d’irrégulier envers eux ; mais de telles délicatesses ne prévalent pas contre les intérêts de la politique, ni contre des ressentimens aussi passionnés que ceux qui poursuivaient alors les derniers débris du régime impérial.

Murat avait envoyé un plénipotentiaire au congrès, le duc de Campo-Chiaro ; mais ce plénipotentiaire n’y était pas reconnu, et un entretien confidentiel qu’il avait eu avec lord Castlereagh, presque au moment de l’arrivée de ce ministre, ne l’avait pas mis en mesure de rassurer son maître sur les intentions du cabinet de Londres. « Tout ce que j’ai pu lui dire, écrivait lord Castlereagh à l’envoyé anglais auprès de la cour de Palerme, c’est que notre ligne de conduite serait déterminée par la considération de ce que nous devons à un allié (le roi de Sicile), combinée avec ce qui nous paraîtrait être le sentiment dominant des puissances de l’Europe…, et que mon désir était qu’on trouvât quelque moyen d’arriver à une transaction convenable de nature à empêcher la rupture de la paix. » Le duc de Campo-Chiaro ayant fait entendre que Mural pourrait renoncer à l’agrandissement territorial que l’Autriche lui avait promis aux dépens