Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/954

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conséquent la portée et les chances de succès de sa tentative. L’un des plénipotentiaires anglais au congrès, lord Clancarty, rendit compte en ces termes à lord Castlereagh de cette première émotion : « J’étais à la cour le soir de l’arrivée de la lettre de lord Burgbersh. Malgré tous les efforts qu’on faisait pour cacher l’inquiétude sous une indifférence apparente, il n’était pas difficile de voir que la crainte était le sentiment qui dominait tous ces personnages impériaux et royaux ; leurs principaux serviteurs feignaient de prendre très légèrement la chose, mais cette dissimulation affectée était évidemment une tâche trop pesante pour eux. » Le duc de Wellington pensait que Napoléon s’était laissé abuser par de faux renseignemens sur l’état de la France, et que le gouvernement du roi viendrait à bout de lui très facilement et en très peu de temps. Il ajoutait pourtant que si, contre son attente, on n’en avait pas fini promptement, l’affaire deviendrait fort sérieuse, et exigerait de l’Europe un effort puissant, dont le succès d’ailleurs ne lui semblait pas douteux.

On sait quelles furent les résolutions prises par le congrès de Vienne à mesure que lui parvinrent les nouvelles de la marche et des succès de Napoléon. Le 13 mars, les plénipotentiaires des huit puissances signataires du traité de Paris, c’est-à-dire de la France elle-même, de l’Angleterre, de la Russie, de l’Autriche, de la Prusse, de l’Espagne, du Portugal et de la Suède, déclarèrent par un acte solennel que Napoléon Bonaparte, en rompant, la convention qui l’avait établi à l’île d’Elbe, avait détruit le seul litre légal auquel son existence se trouvait attachée ; qu’il s’était privé de la protection des lois, s’était placé hors des relations civiles et sociales, et, comme ennemi et perturbateur du repos du monde, s’était livré à la vindicte publique, et que les puissances, fermement résolues à maintenir intact le traité de Paris, emploieraient tous leurs moyens, réuniraient tous leurs efforts pour que la paix générale ne fût pas troublée de nouveau. Le 25 mars, l’Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, pour donner suite à cette déclaration, conclurent un traité auquel Louis XVIII, déjà sorti de France, donna son adhésion aussi bien que tous les autres gouvernemens européens. Aux termes de cet acte, les quatre parties contractantes s’engagèrent à préserver de toute atteinte l’ordre de choses établi par le traité de Paris et par les résolutions du congrès de Vienne, à forcer Napoléon à se désister de ses projets, et à le mettre hors d’état de troubler à l’avenir la paix générale.

Vainement Napoléon, en même temps qu’il organisait avec son activité ordinaire des moyens de défense contre la formidable attaque dont il était menacé, essaya-t-il de dénouer les liens de la coalition : elle était trop puissamment cimentée par la terreur qu’il inspirait aux rois, aux hommes d’état et aux peuples de l’Europe. Ses envoyés, ses