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de Wellington, qui avait beaucoup de peine à leur faire comprendre la nécessité de quelques semaines de retard, tandis qu’ils concevaient le projet, auquel heureusement il ne fut pas donné suite, d’organiser l’émigration en un corps militaire qui se serait réuni à l’armée anglaise, d’autres, comme le maréchal Marmont, s’éloignaient pour ne pas se trouver compromis dans ces entraînemens. Jusque dans le sein de la famille royale, de graves dissentimens se manifestaient. Le duc d’Orléans, qui s’était retiré en Angleterre au lieu d’aller se ranger à Gand auprès de Louis XVIII, lui écrivait pour le dissuader de se montrer au milieu des armées alliées ou d’y laisser paraître les princes ; il lui représentait qu’en retombant ainsi dans les fautes de 1792, on jetterait bien inutilement sur la cause de la royauté un funeste discrédit ; il s’efforçait de lui faire comprendre la nécessité d’adopter, lorsque la restauration serait accomplie, un système différent de celui qui, l’année précédente, avait porté de si tristes fruits ; il prêchait la conciliation ; il allait jusqu’à soutenir qu’on devait essayer avant tout de regagner cette armée, objet en ce moment de tant d’anathèmes et de malédictions, parce que c’était là seulement qu’on pouvait trouver une force véritable, et qu’il serait à propos de substituer au luxe parfaitement inutile de la maison militaire une véritable garde organisée sur le modèle de la garde impériale. Plusieurs de ces conseils n’avaient rien de contraire aux idées personnelles de Louis XVIII, et ils sont même conformes à la politique qu’on le vit suivre plus tard ; mais d’autres étaient de nature à le blesser, et ni la forme dans laquelle ils étaient présentés, ni la source dont ils émanaient ne devait en adoucir l’amertume. Louis XVIII répondit qu’en s’éloignant des armées alliées, il semblerait accréditer les bruits répandus par Bonaparte sur les intentions hostiles dont elles étaient animées contre la France, qu’il approuvait complètement le principe de conciliation, mais qu’il n’en tirait pas les mêmes conséquences que son neveu ; il l’invita enfin à venir à Gand, promettant de lui faire connaître ses vues et ses intentions avec plus de détail. Le duc d’Orléans ne se rendit pas à cet appel : dans une lettre dont le ton était celui de l’irritation, il déclara au roi qu’il ne lui était pas possible d’aller le trouver avant de savoir précisément quels étaient ses projets, parce qu’il ne voulait pas s’exposer à la fâcheuse nécessité de s’éloigner de nouveau après en avoir été informé ; il se plaignit d’avoir été traité avec peu de confiance après la première restauration, d’avoir été exclu du conseil, où d’ailleurs il ne désirait pas être admis, mais où siégeaient les autres princes, de n’avoir pas même été autorisé à prendre place à la chambre des pairs ; il rappela, non sans aigreur, la distance qu’on s’était plu à établir, par des règlemens d’étiquette,