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qu’encourager des penchans qui, par la suite, aboutiraient à des agressions contre les droits des autres nations. »

Des idées analogues à celles qu’exprimait ainsi lord Liverpool se trouvent énoncées, avec plus de développement, dans une lettre que le duc de Wellington écrivit le 23 septembre à lord Castlereagh, et qui était destinée, selon toute apparence, à devenir, au besoin, l’apologie officielle d’une mesure dont l’illustre général s’était rendu l’exécuteur, bien que dans le principe il ne l’eût pas approuvée. Il rappelait que, malgré les instances des commissaires français chargés de négocier la capitulation de Paris, il s’était refusé à garantir par une clause expresse la conservation à la France des tableaux et des statues du Louvre ; il trouvait dans cette circonstance une infirmation du droit tel quel que le silence du traité de 1814 avait pu créer à la France. À cette première époque, ajoutait-il, en nous laissant ces trophées de nos victoires, on avait pu être déterminé par le désir de se concilier le bon vouloir de l’armée française ; mais après la conduite qu’elle avait tenue, de tels égards n’étaient plus de saison, et le devoir des souverains était de rendre justice à leurs sujets plutôt que de flatter une nation étrangère. « Les regrets des Français à ce sujet, disait-il, ne peuvent être inspirés que par la vanité nationale… Il est d’ailleurs désirable, sous bien des rapports, pour leur bonheur comme pour celui du monde, que s’ils n’ont pas déjà compris que l’Europe est assez forte pour les mettre à la raison, on le leur fasse enfin sentir, et qu’ils sachent que, quelle que puisse être à un moment donné l’étendue de leurs succès partiels contre une ou plusieurs des nations européennes, le jour de la rétribution ne peut manquer d’arriver. » Cette lettre ayant été communiquée à lord Liverpool, il en fut si satisfait, qu’il témoigna le désir de la voir publier. Je ne sais si je me trompe, mais elle me parait écrite avec le sentiment de dépit et d’irritation qu’éprouve un esprit honnête et droit forcé de soutenir une opinion dont la vérité ne lui est pas pleinement démontrée. Il semble que le duc de Wellington ne soit pas bien convaincu de la validité des argumens qu’il développe en termes si amers, et qu’obligé de prêter son concours à des actes qu’il n’approuve pas, la mauvaise humeur qu’il ressent d’une telle contrainte s’épanche dans la violence inaccoutumée de son langage contre ceux mêmes qu’il se voit dans la nécessité de maltraiter.

C’est d’ailleurs la seule occasion où il ait pris, à cette époque, une attitude hostile et blessante à l’égard de la France. Sauf cette unique exception, il se montra constamment le défenseur de ses intérêts, l’adversaire des mesures de rigueur qu’on voulait faire peser sur elle. D’où vient donc que son nom n’a jamais été populaire