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la honte et l’opprobre des sottes cavillations des hérétiques et profanes avec un style digne de leur impiété, puisque, se couvrant du masque de religion contre leur propre conscience, ils abusent de la parole de Dieu pour gagner crédit et réputation entre les hommes et faire marchandise des âmes rachetées au prix du sang du fils de Dieu ; car puisque, ayant été si souvent convaincus, ils retournent toujours à leurs redites, qui sont sans grâce et sans sel, que saurions-nous faire autre chose que de leur arracher le masque dont ils se couvrent pour les faire paraître tels qu’ils sont à la vérité ? Cependant je prie tous ceux qui craignent Dieu et cherchent la vérité en bonne conscience qu’ils ne se scandalisent de cela, puisque ce n’est que pour mettre mieux la vérité en évidence et rembarrer l’audace de ceux qui font profession de la tenir cachée. »


Je ne sais si dans la Satire Ménippée éclate nulle part un coloris plus vif que dans le passage suivant ; il s’agit de la France et de l’Espagne au XVIe siècle :


«… Ce roi-là est mort, et notre fleur de lys a depuis naguère reçu une terrible atteinte des grilles papagalliques ; elle faillit bien d’être foulée et flétrie tout à coup, sans jamais s’en pouvoir relever… Ils pensaient du tout atterrer la couronne de France. Vrai est qu’à la fin on en est encore venu à bout ; mais ça a été en y laissant des traces d’une effroyable puissance de la foudre vaticane, qui présentement semble donner plus de terreur panique au magnanime cœur de la France que jamais elle ait fait au moindre et plus vil recoin de toute l’Italie. Je sais bien que la main de Dieu n’est pas raccourcie ; mais que voulez-vous ? Croyez-moi, mon ami, ces mules papales sont mauvaises bêtes ; elles ont du foin en corne et ruent comme chevaux échappés. Je suis d’avis que nous allions baiser le babouin et nous prosterner à la dive pantoufle ; peut-être nous donnera-t-il quelque lopin d’une bénédiction égarée, et nous serons encore les meilleurs enfans, car certes notre pragmatique sanction, la bonne vieille demoiselle avec son large tissu de satin vert et ses grosses patenôtres de jais, ne nous peut garantir dorénavant. Elle n’a pas une dent à la bouche, et la chaleur naturelle commence à lui manquer ; même sa bonne commère, la liberté de l’église gallicane, est longtemps passée à l’autre monde ; on lui chante, déjà force De Profundis et messes de Requiem. Ne nous vaut-il pas mieux servir le Catalan et humer l’ombre des doublons d’Espagne que d’avoir un roi huguenot ? Je m’en rapporte à la sainte ligue, qui en a reçu des nouvelles toutes fraîches.

« Venons à l’Espagne, qui se piaffe du roi catholique et veut donner loi même au saint père et lui ménager ses bulles et bénédictions comme étant le seul soutien et le bâton de vieillesse de sainte mère église, l’arc-boutant de la sainte foi catalanique, apostolique et romaine.

« Mais encore, por vida suya, sennor fanfaron ! depuis quand est-elle montée si haut ? depuis quand s’est-elle émancipée du joug ? J’ai bien vu ses fanfaronnades lorsque le vent lui donnait en poupe et que le bon san Jago raidissait les cordages de la sainte inquisition. Aussi suis-je bien averti que c’est sur son enclume loyolalique que la dernière ancre sacrée du navire se forgea ; mais pour cela ne croyez jamais que le saint père veuille être chapelain du