Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1043

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de divertissemens, ce qui amuseroit les députés, en sorte que les estats emploieraient plus de temps aux hais et aux comédies qu’à travailler à l’expédition des affaires. — Si M. de la Vrillière, ajoutait l’archevêque de Toulouse, regarde bien à ses registres, il verra que toutes les fois que les estats ont été à Montpellier, ils ont esté très longs, très difficiles, et que le roy n’y a pas eu son compte. » Cependant les états de Bourgogne siégèrent ordinairement à Dijon, bien que cette ville dût, aux yeux des ministres, présenter les mêmes inconvéniens que Montpellier. En Bretagne, c’était bien différent : à la moindre difficulté, on éloignait les états de Nantes ou de Rennes, et le gouvernement proposait de préférence Saint-Brieuc, Dinan ou Vitré. « Jamais, écrivait le duc de Chaulnes à Colbert le 30 juin 1675, les esprits n’ont été plus difficiles ou plus remplis d’incidens qu’en la ville de Nantes, par la chaleur et la rudesse des esprits de ses habitans, grands raisonneurs, et prêts à prendre feu sur les moindres choses… Les grandes villes sont, à mon sens, à esviter pour les prochains estats. »

Pour ce qui concerne la Provence, l’on avait pourvu à cet inconvénient des grandes villes en décidant que l’assemblée des communes se tiendrait toujours à Lambesc. Quoi qu’il en soit, les difficultés que soulevait tous les ans le vote du don gratuit étaient encore fort grandes, et exigeaient de la part du gouvernement beaucoup d’adresse et de dextérité.

On sait en quoi consistait ce que l’on pourrait appeler la comédie du don gratuit. Tous les ans, le roi réclamait aux pays d’états, tels que la Bretagne, la Bourgogne, l’Artois, le Languedoc et la Provence, la somme pour laquelle il lui paraissait que chacune de ces provinces devait contribuer aux dépenses générales du royaume. Afin d’obtenir à peu près ce qu’il estimait nécessaire, et sachant bien que la somme réclamée était toujours réduite, il demandait davantage. Les provinces, qu’un long usage avait habituées à cette tactique, se récriaient sur le poids de leurs charges, sur la misère et les besoins des communes, qui n’étaient d’ailleurs que trop réels, et faisaient leur offre habituelle, que les gens du roi trouvaient toujours insuffisante. Un débat s’établissait alors sur le chiffre ; les états accordaient 2 ou 300,000 livres de plus qu’ils n’avaient d’abord offert, les gens du roi diminuaient leurs prétentions de 2 ou 300,000 livres, et, après avoir réglé quelques affaires de minime importance, l’assemblée se retirait. Le talent des intendans et des gouverneurs consistait à amener les états à voter, dans le moins de temps possible et avec les apparences de la bonne volonté et de l’empressement, le don gratuit que la cour leur demandait et qu’ils ne pouvaient refuser.