Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1045

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La session ayant été suspendue, l’affaire traîna en longueur ; mais de part et d’autre, les esprits n’étaient pas disposés à céder. Le 16 octobre 1671, Colbert écrivit au comte de Grignan la lettre suivante :


« Je vous puis asseurer que sa majesté vouloit avoir de la province 500,000 livres l’année passée comme celle-cy, et qu’il n’y eust qu’à la dernière extrémité, sur vos lettres et sur celles de M. d’Oppède, que sa majesté se relascha aux 400,000 livres pour des raisons particulières dont je ne me souviens pas à présent ; mais cette année sa majesté veut avoir 500,000 livres. Vous voyez assez, par les dépenses immenses qu’elle fait en levées de troupes, combien il luy est nécessaire que ses sujets l’assistent pour l’exécution de tous les desseins qu’elle peut avoir, tant pour la gloire de son règne que pour le repos et le bien de ses sujets. Ainsy, je ne doute pas que vous ne disposiez les esprits de l’assemblée à luy donner une prompte et entière satisfaction. »


Mais ces espérances ne se réalisèrent pas. Les députés résistaient à toutes les avances et ne se laissaient pas davantage intimider. Déjà la session durait depuis trois mois, et ils n’étaient encore arrivés, pied à pied, suivant ce qu’écrivait l’évêque de Marseille à Colbert, qu’à 350,000 livres. Le 4 décembre, celui-ci manda au comte de Grignan que le roi n’était pas disposé à souffrir plus longtemps des assemblées qui étaient plus de trois mois à la charge de la province pour voter la somme modique qu’il demandait, que la conduite des députés commençait à le lasser, et que, s’ils ne se hâtaient d’en changer, « ils l’obligeroient à prendre quelque résolution qui ne mettrait pas leurs noms en bonne odeur dans le pays. — Sa majesté veut, ajoutait Colbert, que vous leur déclariez qu’en même temps qu’elle aura reçu réponse à cette lettre, elle enverra les ordres pour les licentier, et vous pouvez les assurer que de longtemps ils ne se verront ensemble. Sa majesté m’ordonne de plus de vous dire que vous ayez à m’envoyer les noms de tous les dicts députés divisés par vigueries et sénéchaussées. »

La situation devenait de plus en plus délicate. Persuadé que la cour ne voudrait pas céder, et prévoyant que ses instances seraient désormais inutiles, le comte de Grignan écrivit le 13 décembre à Colbert : « Je croy qu’il est très important au service de sa majesté que vous m’envoyiés un ordre pour rompre l’assemblée, avec quelques lettres de cachet pour punir les plus séditieux qui font courir le bruit que je veux faire ma cour à leurs dépens, et que je mendie, pour leur faire peur, les lettres que vous avés la bonté de m’escrire. Je ne mettray ces remèdes en usage que dans la dernière nécessité et lorsque vous me l’ordonnerés. » M. de Grignan constatait d’ailleurs, dans l’intention bien évidente de modérer les exigences de la cour,