Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1080

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans certaines réunions électorales, on a déjà posé aux candidats des questions pareilles à celles-ci : Reconnaissez-vous que l’acte du 26 juillet constitue une violation réelle de la constitution ? Vous engagez-vous, aussitôt que la diète sera réunie, à demander, selon les articles 18 et 73 de la loi fondamentale, la mise en accusation du ministère, pour avoir entrepris de modifier la seule constitution existante du royaume sans le consentement des chambres ? Dans le cas où, malgré cette démonstration, le ministère resterait au pouvoir, promettez-vous d’employer tous les moyens constitutionnels et légaux pour l’en écarter ? Si le cabinet enfin résiste aux protestations solennelles de la diète, vous emparerez-vous du dernier moyen de défense ? Refuserez-vous l’impôt ? Quelle pourra être la conduite des ministres, si les électeurs donnent à leurs députés de semblables instructions, et qu’ils soient décidés eux-mêmes à ne payer d’impôts que ceux qui auront été votés par la diète de Copenhague ? On voit que le Danemark n’est pas à l’abri de crises nouvelles qui peuvent devenir des plus sérieuses.

Notre siècle offre un attrait particulier, qui naît de la diversité des spectacles. En même temps qu’il fait assister au travail moral et politique des peuples du vieux monde, il fait voir jour par jour au-delà de l’Atlantique ce pénible enfantement de races affranchies d’hier, qui ne peuvent parvenir à s’organiser. Libres de leur joug ancien et restées esclaves de leurs passions, ces races hispano-amérlcaines sont l’exemple du monde contemporain par l’anarchie qui les dévore et les impossibilités dans lesquelles elles se débattent. Des dictatures pour se guérir des révolutions, des révolutions provoquées par l’excès des dictatures, de puérils préjugés mêlés à des entraînemens factices, les ambitions personnelles remplissant la scène, l’abus des idées rendu d’autant plus sensible par l’impuissance des intérêts, telle est leur histoire, tel est le cercle d’où elles ne peuvent sortir. Il semble que depuis quelque temps il y ait une véritable recrudescence d’anarchie dans toutes les républiques sud-américaines. Au Mexique, les complications intérieures s’accroissent, on le sait, des difficultés que crée le redoutable voisinage des Américains du Nord. Malheureusement là où ce genre de péril n’existe pas, la même incertitude règne. Le Venezuela est dans un état permanent de crise ; la Nouvelle-Grenade, après avoir été systématiquement bouleversée par une ridicule démagogie, a fini par tomber dans la guerre civile, et elle y est encore : ce sont là aujourd’hui deux des exemples les plus saillans. Depuis 1848, le pouvoir dans le Venuezela est livré à une famille qui en a fait son bien propre ; le général Tadeo Monagas l’a transmis d’abord au président actuel, à son frère, le général Gregorio Monagas, lequel à son tour, aux élections qui s’approchent, va le rendre au chef de la famille ou le transmettre à un autre de ses frères. Élevée par la force, cette étrange dynastie se soutient par la force. Dans la seule année qui vient de s’écouler, deux ou trois insurrections ont éclaté dans les principales provinces de Cumana, de Varinas, de Carabobo, et une insurrection nouvelle vient d’avoir lieu en ce moment à Coro, ou plutôt c’est la continuation des mouvemens précédens, mal étouffés et toujours renaissans. Aussi le général Gregorio Monagas passe-t-il son temps à lever des troupes, à négocier des emprunts qui ne trouvent pas bien entendu, de placement, et à demander au congrès des facultés extraor-