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deux grands artistes et au lendemain de la mort de leurs élèves, elles en étaient réduites à se glorifier de la chétive habileté des Van Kessel et des Schalken.

En Espagne, il y a un beau moment, mais un seul. Sauf quelques rares faits antérieurs, le règne de Philippe IV et la première moitié du règne de Charles II résument toute l’histoire de la peinture au-delà des Pyrénées. À partir de cette époque, on compte encore à Madrid ou à Séville des académies de beaux-arts et force académiciens, mais on ne compte plus d’artistes, et lorsque Charles III monte sur le trône, la disette est si grande, que pour trouver un « premier peintre » le roi est obligé de jeter les yeux sur l’Allemand Raphaël Mengs.

Était-ce donc que l’Allemagne fût alors si richement pourvue, qu’elle pût, sans se dépouiller, prêter de son bien aux autres nations ? Loin de là. L’école allemande se soutenait à grand’ peine en empruntant maintenant à l’Italie les ressources qu’au temps d’Albert Dürer elle tirait de son propre fonds, et ce même Raphaël Mengs, en qui ses contemporains saluaient un homme de génie, n’était, à tout prendre, qu’un pâle imitateur de la manière romaine. La période durant laquelle la peinture allemande a vécu de sa vie propre est assez courte et ne dépasse guère les premières années du XVIe siècle. Après la mort d’Albert Dürer, Aldegrever, Albert Altdorfer et quelques autres luttent, il est vrai, pour conserver à l’art sa nationalité ; mais cet art, d’abord si indépendant, si formellement original, n’est bientôt plus représenté que par des talens façonnés sur des patrons étrangers : l’école fondée par le maître de Nuremberg semble, dès la seconde génération, s’absorber dans l’école italienne. Les choses n’ont pas très sensiblement changé depuis lors, et, — si incontestable que soit d’ailleurs leur mérite, — ne voyons-nous pas aujourd’hui MM. Overbeck, Cornélius et leurs élèves demander à l’Italie quelque chose de plus que des inspirations ?

Certes on aurait mauvaise grâce à reprocher aux peintres anglais cette étude trop assidue, ce culte des lointains modèles. La qualité qui leur manque le moins, on le sait, est la fidélité aux exemples qui se sont produits sous leurs yeux ; seulement il est permis de dire que, poussé à ce point, le respect de la manière traditionnelle ressemble fort à un aveu d’impuissance. L’école anglaise n’existait pas, à proprement parler, avant Reynolds. Hormis Hogarth et Thornhill à la rigueur, aucun peintre remarquable n’avait encore paru à Londres qui n’y fût venu du continent ; depuis un siècle à peine, l’école anglaise a commencé à prendre rang parmi les écoles de peinture. Comment, si près encore de sa naissance, est-elle entrée déjà dans une période de déclin ? Parce qu’au lieu d’interpréter les découvertes