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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1137

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ces sujets, car, — c’est là encore un des traits particuliers de notre école, — les talens se renouvellent en France à la condition de changer souvent, non de principes, mais d’objets d’étude. Les écoles des autres pays ont chacune puisé leurs inspirations à une source unique ; quelque diversifiée que soit la manière, les mêmes scènes retracées à tour de rôle par plusieurs générations d’artistes révèlent une préférence invariable pour un certain ordre d’idées. Souvent même la fidélité à ces idées est un élément nécessaire du succès, une loi qu’on ne saurait enfreindre sans compromettre l’art et sans le ruiner. En Toscane et à Rome, par exemple, la peinture n’a eu toute son éloquence qu’autant qu’elle a été la traduction des livres saints. Ici, la variété des sujets, loin d’infirmer la pensée de l’artiste, ne sert qu’à rajeunir et à retremper ses forces. Que l’Evangile, l’antiquité ou le fait contemporain soient le texte choisi par nos peintres, ils l’interpréteront avec une égale sagacité, ils en développeront le sens avec les mêmes habitudes de pénétration, de goût judicieux et démesure. Avantage négatif, dira-t-on, qui n’est en somme qu’une marque d’indifférence ou de scepticisme, soit : mais si l’on condamne cette flexibilité du talent chez les peintres français, il faut se résigner à condamner au même titre l’inconstance apparente de nos grands écrivains et ne pardonner ni à Fénelon ni à tant d’autres leurs travaux inspirés alternativement par la Bible et par la mythologie. Au lieu de s’arrêter à ces semblans de démentis, que l’on se rende compte des doctrines en vertu desquelles chaque œuvre a été composée, et l’on sentira qu’il n’y a de renoncement qu’à l’extérieur, de modification que dans le style. Poussin est tout aussi bien Poussin quand il peint les Sept sacremens que quand il peint ses Bacchanales ou l’Enlèvement des Sabines. Les allégories de Lesueur à l’hôtel Lambert ne contredisent pas plus les peintures du cloître des Chartreux que les Batailles de Lebrun et de Gros, la Justice de Prud’hon et la Méduse de Géricault ne se contredisent entre elles. L’essence même de ces beaux ouvrages est un fonds de vérité, de sage grandeur et de raison qui appartient en propre à notre école, et qui, malgré la dissemblance des sujets, ressort infailliblement, soit des toiles signées du même nom, soit des tableaux exécutés à de longues années d’intervalle.

Si, après avoir cherché à apprécier les conditions de l’art français, recherche qui ne peut aboutir qu’à nous convaincre de son unité, nous envisageons les œuvres de l’école dans leur succession chronologique, de ce côté encore notre orgueil national n’aura pas à souffrir. La peinture a des origines aussi anciennes dans notre pays qu’en aucun pays de l’Europe, et de plus son histoire, à partir du XIIIe siècle, est sans lacune considérable. Malheureusement, cette histoire si