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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1138

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digne d’intérêt, nous ne nous sommes guère avisés jusqu’ici de l’étudier, et il faut ajouter qu’assez peu de gens ont essayé de nous l’apprendre. On semble de part et d’autre en meilleure disposition aujourd’hui. Le zèle des érudits a bien tardé à se porter sur d’autres monumens que les monumens de l’architecture et de la statuaire ; mais enfin un mouvement de réaction s’accomplit : peut-être aura-t-il raison de notre longue indifférence. Il semble seulement que le résultat serait plus tôt et plus sûrement obtenu, si les écrivains qui ont entrepris de nous convertir se contentaient moins habituellement de discuter des dates ou de produire à peu près sans commentaires des pièces historiques assez sèches en elles-mêmes. La plupart des travaux publiés jusqu’à ce jour, et dont nous avons mentionné les plus importans, sont de nature à nous éclairer sur les questions de détail, à fixer certains points chronologiques ; ils sont le fruit d’investigations soigneuses et d’une louable activité scientifique. Est-ce assez cependant, et suffit-il d’avoir réfuté preuves en main quelques erreurs matérielles ? Il serait à souhaiter que l’esprit critique pénétrât davantage ces travaux, et qu’une fois en possession des documens, on s’en servît pour expliquer soit le rôle individuel des talens, soit la marche et les progrès généraux de l’école. Si cette méthode d’exposition venait à être adoptée pour l’histoire de la peinture française comme elle l’a été pour l’histoire de notre littérature, les écrivains prendraient plus d’autorité et conseilleraient plus efficacement le lecteur tout en restant fidèles à leurs devoirs d’annalistes. Au lieu de s’attribuer la tâche aride d’inventorier des actes, de transcrire des quittances, des fragmens de correspondances, et de nous révéler des particularités assez secondaires après tout, que ne se placent-ils plus souvent en face des œuvres mêmes et des idées que ces œuvres expriment ? Pourquoi ne pas rattacher avec moins de réserve les circonstances partielles à l’ensemble des faits historiques, les détails biographiques à la manière des artistes qu’ils concernent, l’accessoire au principal et la lettre à l’esprit ? À force de défiance ou d’abnégation, on court risque ainsi de manquer le but et d’arriver seulement à accumuler pêle-mêle des matériaux archéologiques là où il s’agissait de les coordonner et d’en composer une histoire. Il faut le répéter, cette histoire est encore à faire. Que les recherches soient poursuivies aujourd’hui avec beaucoup plus de sagacité qu’autrefois, qu’on apporte dans l’étude du passé une conscience et une application toutes nouvelles, voilà ce qui est hors de doute et ce qu’il importe de constater ; mais ne semble-t-il pas qu’en multipliant à ce point les copies de pièces officielles, en se montrant en revanche si avare d’explications et de développemens, on songe moins à mettre l’histoire de l’art à la portée de tous qu’à faire le procès aux ouvrages