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S’il est vrai, comme on l’a dit à propos de l’île de France, « qu’il suffit d’une seule plante pour faire la richesse de tout un pays, » la soie et le coton sont pour le Chéliff, aussi bien que pour la Mitidja, une double promesse de prospérité, sans compter l’olivier, la garance, le tabac, le nopal et la vigne.

Ainsi dans la province d’Alger, dont nous venons de traverser toutes les zones cultivables, nous trouvons 1 million d’hectares colonisables et tout au plus 15,000 colons, presque tous agglomérés dans la Mitidja et le Sahel.

La province d’Oran est disposée autrement que les deux autres provinces. Moins fertile que la province d’Alger, et surtout que la province de Constantine, elle est pourtant plus favorable à la colonisation, parce qu’elle est plus ouverte, moins profonde, et que l’accès aussi bien que les communications en sont plus faciles. À partir d’Oran, la côte court directement au sud-ouest jusqu’au canal de jonction des deux mers, et ouvre une large échancrure par où pénètrent jusque dans l’intérieur des terres les vents qui soufflent avec une violence extrême de cet antre d’Éole qu’on nomme le canal de Gibraltar. On dirait que ces vents, prenant en écharpe toute la province, ont rabattu les montagnes qui auraient pu leur faire obstacle et aplati leurs sommets, faisant le niveau sur de larges espaces où s’est accumulée la terre végétale transportée des hauteurs. Entre ces grands bassins de terre végétale, les montagnes ne sont jamais un obstacle aux communications, comme dans les deux autres provinces ; elles semblent n’avoir d’autre fonction que de marquer les différences d’altitude d’une plaine à l’autre. Par une disposition singulière de la nature, les courans, au lieu de prendre la ligne des plaines, suivent au contraire les crêtes aplaties des montagnes, de telle sorte qu’on n’a qu’à pratiquer sur leurs bords des saignées transversales pour qu’ils se déversent tout entiers sur les plaines dont ils dominent latéralement les pentes. Ces pentes, comme si elles étaient déterminées par la direction des vents, vont de l’ouest à l’est, tandis que les courans d’eau vont naturellement du sud au nord : c’est pourquoi les déversemens se font presque toujours transversalement, et trouvent de grands bassins pour les recevoir à leur descente, au lieu de ces petites vallées qui dans les deux autres provinces fractionnent les moyens et les possibilités de l’irrigation. Il a suffi d’incliner a Meckera par quelques travaux de canalisation et de barrage dans les bassins de Bel-Abbès et du Sig, pour livrer à l’irrigation vingt fois plus de terres que la Meckera n’en peut alimenter ; mais là où ce phénomène de la distribution des courans, par rapport aux dérivations des bassins, est le plus apparent, c’est dans le cours de l’Oued-Isser. Cette rivière suit une ligne de hauteurs continue du sud au nord, et trouve toujours à sa portée une série de déversoirs et de bas-fonds qu’une simple saignée suffirait pour monder. C’est une simple saignée en effet qu’on a pratiquée dans l’Oued-Isser, près d’Adjer-Roum (pierres romaines), entre Tlemcen et Ben-Abbès, et par cette étroite issue les eaux se répandent sur 1,000 hectares de prairies disposées en forme d’entonnoir : c’est le bassin des Ouled-Mimoun, une merveille.

Les nombreux bassins dont se compose la province d’Oran ont à peu près tous un cours d’eau à leur service. Les vallées de l’ouest ont la Tafna, l’Isser et leurs affluens : le plateau de Tlemcen a les nombreuses chutes d’eau qui jailissent des flancs même de la montagne à laquelle la ville s’appuie ; la