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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/19

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exil, accourait dans la Lombardie, comme il allait dans toutes les autres villes de la péninsule, à Brescia, à Parme, à Plaisance, à Livourne, à Rome, à Florence, prêchant partout la concorde, l’union, faisant une sorte de propagande en faveur du royaume de la Haute-Italie. À Milan, il se trouvait en face de M. Mazzini, et on était réduit à chercher dans les manifestations dont ces deux hommes étaient l’objet les symptômes de l’opinion. L’esprit républicain cependant ne parvenait point à empêcher la fusion de la Lombardie avec le Piémont ; cette fusion s’accomplissait par un vote public et unanime émis en vertu d’une loi du 12 mai. D’un autre côté, dans les états vénitiens, Trévise, Vicence, Padoue devançaient Venise et l’entraînaient dans le même mouvement. La réunion des duchés de Parme et de Modène avait été également proclamée. Malheureusement encore dans l’acte d’annexion de la Lombardie se glissait l’esprit républicain par une condition qui faisait d’une assemblée constituante l’arbitre mystérieux de l’organisation définitive du pays, et, même accomplie dans ces termes, cette fusion devenait une arme nouvelle entre les mains des agitateurs. Ils cherchaient à irriter les jalousies locales, qui s’effrayaient déjà de voir Milan s’éclipser devant Turin dans la combinaison du nouveau royaume ; ils représentaient l’union lombardo-piémontaise comme un acte prématuré, tandis que la véritable faute au contraire, c’était de n’avoir point dès l’origine proclamé cette union et d’avoir ainsi prolongé une situation vague qui favorisait les suspicions des autres princes italiens, laissait aux prétentions locales le temps d’éclater et semblait autoriser les espérances des sectaires. Le déplorable génie de division de M. Mazzini avait trouvé son théâtre à Milan et agissait. « Mazzini, disait Gioberti, est le plus grand ennemi de l’Italie, plus grand même que l’Autriche, qui, sans lui, serait vaincue et vaincra par lui. » Esprit mystique et futile, fanatique et vulgaire, déclamateur sans idées et artisan éternel d’obscures conspirations, M. Mazzini voyait l’Italie dans la république et la république dans sa personne. Il ne disposait point d’une armée, mais par les clubs, par les journaux, il disposait de tous les moyens révolutionnaires les plus propres à harceler Charles-Albert et son armée par un système de défiances, d’injures et de calomnies. Son parti n’était pas nombreux, il ne se recommandait par aucun nom, par aucune vertu, par aucun talent ; — il était bruyant, audacieux, plein de jactance révolutionnaire ; il se recrutait de toutes les imaginations incandescentes et puériles. Les revers de l’armée italienne, il les imputait à la trahison ; — quant à ses succès, il les redoutait presque, il affectait de n’y voir que le triomphe de l’égoïsme royal de Charles-Albert. Le dernier mot de ce fatal parti c’était : « l’Italie autrichienne ou républicaine ! » Voilà quel foyer de passions ennemies s’agitait à Milan, à quelques marches de ces champs de bataille