Dans ces vers, hommage est rendu à la puissance temporelle. Le prince pour qui on invoque les dieux et dont on vante la richesse doit être présent à la cérémonie, le glaive en main, tout près de son char attelé de brillans coursiers, le diadème ou tout au moins le bandeau royal au front. Ces stances font songer à un état analogue à celui des Grecs au temps de la guerre de Troie. Kchatasri ressemble assez à un Agamemnon indien, dépassant de la tête la foule des guerriers assemblés. Nous trouvons plus loin une louange plus directe adressée par un autre poète à un autre roi qui serait l’Ulysse de ces petits peuples émigrans :
« O Agni ! un roi pieux, prudent et généreux… m’a rendu riche ; il m’a donné deux cents bœufs attelés à un char, avec dix mille vaches. Qu’il te souvienne de lui. — Ce roi m’a donné cent vingt vaches et deux chevaux de trait traînant une précieuse charge… »
Cette soumission du prêtre officiant et cette richesse du roi indiquent une époque où l’influence morale des sacrificateurs commençait à s’incliner devant l’astre plus brillant de la royauté[1]. Les princes possèdent des troupeaux bien abondans, puisqu’ils peuvent faire des présens aussi généreux ; ils ont des armes d’or ou au moins dorées, des cuirasses étincelantes, des chars richement ornés ; enfin ils habitent des villes : la tribu est devenue nation. Allons plus loin ; nous trouverons à la fin du Rig-Véda, parmi les chants particuliers dont nous parlions tout à l’heure, un hymne intitulé : Vœux en faveur d’un roi, et un autre plus significatif encore qui a pour titre : Sacre d’un roi[2]. Dans le premier, qui est fort court et certainement ancien de ton et de mouvement, les prêtres font approcher le roi de l’autel du sacrifice ; on dirait qu’ils veulent le tremper comme une arme au contact du feu sacré. Le principal rôle leur appartient dans la cérémonie ; ce sont eux qui commencent, et ils disent :
« Par la vertu de l’holocauste qui fait qu’Indra se tourne vers nous, ô Agni, fais aussi que nous nous tournions du côté du trône. — toi qui règnes sur nous, tourne-toi contre les ennemis qui nous attaquent, tiens-toi ferme devant les combattans. — Que le divin Savitri de soleil), que Soma, te soutiennent dans ta marche ; que tous les êtres se tournent vers toi à ton approche. »
Et le roi répond :
« O Dévas, j’offrirai l’holocauste qui a fait la puissance et la grandeur d’Indra. Que je devienne sans rival ! — Que je sois sans rival ! que je triomphe