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L’Autriche ne fut pas peut-être sans s’émouvoir de ces projets. Par malheur, ici comme partout, la faiblesse de Gioberti était dans la prétention de tout concilier. Il envoyait ministres sur ministres à Gaëte pour porter à Pie IX les témoignages d’une sympathie prête à agir, pour lui offrir un asile dans les états sardes, et en même temps il avait à Rome des représentans qui négociaient avec la révolution. Il en était de même en Toscane. L’idée du premier ministre de Turin semblait être de ramener la politique du Piémont, dût-elle avoir pour but une guerre nouvelle avec l’Autriche, à des conditions plus régulières, et cette politique allait s’engager dans des alliances offensives et défensives avec la Hongrie ; elle interposait assez bizarrement sa médiation entre les Magyars et les races dissidentes[1] ; combattant M. Mazzini en Italie, elle traitait avec M. Kossuth, liait les deux causes et combinait les opérations futures des deux armée. À l’intérieur, que faisait Gioberti ? Il trouvait un parlement où les opinions se balançaient, il en prononçait la dissolution, et il laissait le parti démocratique se servir de son nom pour faire sortir du scrutin une chambre où dominait l’élément exalté, satisfait pour son compte de se voir dix fois élu, — trois fois de plus que ne l’avait été M. Royer-Collard en France aux jours de sa popularité. C’est du mois de décembre 1848 au 20 février 1849 que cette situation se déroule avec toutes ses complications.

En concevant une idée juste et simple qui pouvait changer le cours des événemens, Gioberti n’avait pas vu que la force de cette idée devait s’énerver dans les détails d’une application incertaine ou contradictoire. Le résultat ne tarda pas à se manifester d’une manière cruelle. En peu de jours, au lieu de reconquérir sa position en Italie, le Piémont retombait plus que jamais dans un humiliant isolement. Le pape n’ajoutait qu’une foi médiocre à ce gouvernement qui se croyait tenu à des déférences à l’égard des autorités révolutionnaires de Rome, et il finissait par ne pas même parler du Piémont dans l’appel adressé aux puissances catholiques pour le rétablissement du trône pontifical. Le grand-duc de Toscane, qui avait accepté d’abord l’intervention, retirait son consentement, une fois arrivé à Gaëte. Le cercle se rétrécissait de plus en plus autour du Piémont. S’il se retournait vers le parlement pour y chercher un appui, Gioberti n’avait rien à attendre qu’une hostilité violente contre l’expédition de Toscane. Dans le sein même du conseil, il rencontrait la plus vive opposition. Gioberti put reconnaître alors la faute commise en se mettant à la tête d’un ministère démocratique et en laissant élire,

  1. On peut voir à ce sujet, dans une traduction faite en Italie des Mémoires du général Klapka, une lettre du colonel Alessandro Monti, chef d’une légion Italienne en Hongrie. Globerti lui-même, dut son livre du Rinnovamento, parle de la mission donnée au colonel Monti.