luttes de la révolution, et qui ont laissé derrière eux dans les provinces turques, en Épire, en Thessalie, en Candie, leurs familles et leurs biens pour venir se faire citoyens indépendans de la Grèce. Aussi la grande idée n’est-elle pas restée une aspiration vague et flottante dans l’imagination des Grecs ; on en a préparé la réalisation par une organisation et une propagande qui ne la laissent point s’endormir dans l’esprit populaire. Les hétairies, ces anciennes associations qui ont préludé à l’insurrection de 1821, se sont reconstituées depuis plusieurs années au service de la grande idée ; elles ont recruté des affiliés, recueilli de l’argent, répandu des émissaires. Comme toutes les œuvres de propagande appuyées sur une organisation secrète, la grande idée a été pour quelques hommes une spéculation pécuniaire, et pour d’autres un moyen de popularité. M. Métaxa en était dès l’origine l’homme d’état, et le général Tzavellas l’homme d’épée. Le travail des hétairies restait secret dans les temps ordinaires ; mais dès qu’une difficulté extérieure venait assaillir la Turquie, la grande idée faisait explosion. On le vit bien en 1849, lorsque la Russie menaça la Turquie d’une rupture en demandant l’extradition des réfugiés hongrois. Les hétairies fermentèrent. On colportait en Grèce des lettres de Constantinople toutes brûlantes de l’espoir d’un prochain triomphe, on faisait courir dans la foule des billets avec ces mots : « Une expédition ou la démocratie ! » Les Grecs ne s’inquiétaient point du prétexte qu’ils allaient choisir pour attaquer la Turquie. Eux qui accueillaient et fêtaient les révolutionnaires étrangers, ils oubliaient que c’était pour maintenir le droit d’asile en faveur des réfugiés hongrois que la Turquie bravait noblement la guerre. Pour l’immense majorité des Grecs, le droit n’est rien, le fait est tout. Or le fait, c’était alors une rupture imminente entre la Russie et la Porte, c’était peut-être la guerre entre ces deux puissances, et cette guerre, c’était la réalisation de tous les rêves des partisans de la grande idée, c’était l’invasion de la Thessalie et de l’Épire pendant que les années turques seraient occupées sur le Danube. Il était donc évident, dès ce temps-là, que ces dispositions de la race hellénique pourraient devenir, à un moment donné, une cause d’embarras sérieux pour la politique des cabinets de l’Occident. La France et l’Angleterre, les yeux ouverts sur cette perspective, auraient dû prévoir que l’union de leurs représentans à Athènes était surtout indispensable pour empêcher la Grèce de céder au fanatisme de la grande idée, et d’être un instrument de diversion dans les mains de la Russie le jour où elle voudrait accomplir ses desseins sur l’empire ottoman.
Si la France et l’Angleterre eussent depuis longtemps concerté leur action à Athènes, nous sommes convaincu que la dernière crise