Déjà, si nous ne nous trompons, on n’en est plus à de simples conjectures. Le cabinet de Vienne n’aurait point tardé à faire connaître à Saint-Pétersbourg qu’il insistait de nouveau pour l’évacuation immédiate et sans condition des principautés. En même temps, bien loin de suspendre ses mouvesiens de troupes vers la Valachie, l’Autriche est prête au contraire à franchir la frontière ; son armée n’attend qu’un dernier ordre, et elle n’est pas éloignée de donner cet ordre même immédiatement. L’Autriche seulement poursuit une autre pensée, qui serait celle de provoquer une nouvelle réunion de la conférence de Vienne, afin de lui soumettre la dernière réponse de la Russie, et de donner ainsi un caractère collectif à la décision qui sera prise. La Prusse serait de cette façon mise en demeure de se prononcer. Ou elle refuserait d’adhérer à l’acte qui sortira de la nouvelle conférence, et alors elle se trouverait rejetée dans un isolement qui serait le désaveu humiliant de tous les actes auxquels elle a pris part, ou bien elle adhérerait au nouveau protocole, et l’Autriche serait libre d’agir avec décision. Pour l’instant, le cabinet de Vienne a communiqué, assure-t-on, à l’Angleterre et à la France cette pensée d’une réunion nouvelle de la conférence, qui aurait pour résultat d’ajouter un acte de plus à la série de protocoles qui se sont succédé, et de manifester l’opinion commune sur la situation actuelle. Si la France et l’Angleterre accèdent à cette proposition, nous touchons évidemment à un dénoûment prochain, et ce dénoûment ne peut qu’être conforme à la politique suivie jusqu’ici.
Tandis que l’Allemagne passe par cette épreuve des plus sérieuses délibérations, la guerre se poursuit d’ailleurs et prend chaque jour des proportions nouvelles : non qu’il y ait eu précisément encore des opérations capitales, mais partout le déploiement des forces s’étend et les préparatifs se multiplient. En ce moment même, un corps d’armée français s’embarque à Calais pour la Baltique, et, par une nouveauté singulière, c’est sur des vaisseaux anglais que nos soldats vont être transportés : frappant symbole de l’alliance des deux peuples ! Une proclamation de l’empereur est venue marquer le caractère du départ de cette armée de la baltique.— En Orient, d’autres événemens se préparent peut-être où les forces européennes auront leur rôle. Jusque-là c’est l’armée ottomane agissant sur son double théatre qui soutient la lutte avec des chances inégales, battue en Asie, victorieuse encore une fois sur le Danube, à Giurgevo, où elle a passé le fleuve à la suite des Russes.
Ainsi se déroule sous ses aspects divers la situation actuelle. Par combien de phases n’a-t-elle point déjà passé pour en venir au point où elle est aujourd’hui ? Par combien de phases n’aura-t-elle pas à passer encore avant de toucher au but promis aux efforts de l’Europe ? Par malheur, la paix fût-elle dès ce moment possible comme elle est désirable, de longtemps ne s’effaceront les traces de cette grande perturbation. On n’a qu’à jeter les yeux sur un point de l’Orient, sur ce petit royaume de Grèce, bouieversé par les instlgations russes. Peu à peu toute cette ébullition passagère se calme sans doute ; des rapports se renouent entre le royaume hellénique et le gouvernement ottoman. Les chefs des insurrections désarment l’un après l’autre ; des commissaires français et anglais se sont rendus dans les provinces turques limitrophes pour aider à la pacification. Le cabinet nouveau d’Athènes multiplie