Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/519

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

question politique et commerciale qui eût été débattue depuis Alexandre. Le tableau que nous tracions, il y a plusieurs années déjà[1], de l’étendue, de la population et des ressources de l’empire hindo-britannique ne représente fidèlement aujourd’hui que les traits les plus saillans, les qualités et les défauts (si l’on peut s’exprimer ainsi) les moins incontestables de cette immense combinaison politique dont le parlement et le ministère anglais avaient en quelque sorte abandonné l’avenir à une association unique à ce point de vue dans les annales du monde, — la compagnie des Indes orientales. L’expiration du dernier contrat passé entre le gouvernement anglais et la compagnie[2] laissait à la couronne l’un de ces deux partis à prendre : provoquer le maintien du statu quo, ou modifier par un nouveau bill la constitution de l’empire hindo-britannique. C’est à ce dernier parti que les ministres de la reine ont cru devoir s’arrêter, en se bornant toutefois à introduire dans la constitution de l’Inde des modifications d’un caractère évidemment transitoire, et destinées à préparer un nouveau régime qui placerait la société hindoue sous l’administration directe du gouvernement de la reine. Quelques-unes des conséquences que nous avions prévues et indiquées en 1840, comme fatalement liées à la domination de l’Angleterre dans l’Inde, se sont ainsi développées à la suite d’événemens dont l’importance a plutôt dépassé que contredit nos appréhensions. — Quelle est aujourd’hui la situation de l’empire hindo-britannique ? Quel est le rôle imposé à l’Angleterre en vertu de l’acte récent qui est venu modifier le gouvernement de l’Inde ? L’étude que nous avons faite des institutions d’Akbăr[3] nous permettra d’aborder ces deux questions avec une intelligence plus complète des ressources et des vrais intérêts de la société hindoue.

Sous le rapport du territoire et de la population, l’empire hindo-britannique s’est accru, non par suite d’un vain désir de conquête, il est juste de le reconnaître, mais par la force irrésistible des circonstances, qui semblent condamner ce corps gigantesque à grandir irrégulièrement sans relâche, pour s’affaisser un jour peut-être, si ce n’est se briser sous son propre poids.

L’histoire récente de la domination militaire des Anglais dans l’Inde nous la montre entraînée à se développer sans cesse. Les Anglais ont manqué sans doute le but principal que leur politique s’était proposé dans la grande expédition d’Afghanistan ; mais nous sommes convaincu qu’on a beaucoup exagéré en Europe l’étendue et les

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1840.
  2. La charte de 1834 a expiré le 30 avril 1854.
  3. Voyez sur le règne et les institutions d’Akbăr les livraisons du 1er  décembre 1853 et du 1er  juillet 1854.