Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/575

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a été de notre temps le seul poète antique qui ait eu l’honneur d’une réception royale, et le seul aussi qui ait ouvert d’emblée à son traducteur les portes de l’Académie.

Les traductions des prosateurs latins sont aujourd’hui beaucoup moins nombreuses que les versions en vers des poètes ; à de rares exceptions près, celles qui ont été faites dans ces dernières années ont paru dans les grandes collections. Au nombre de ces exceptions, et parmi les plus recommandables, nous mentionnerons le Salluste de M. Gomont, que l’auteur a enrichi de notes savantes, et qui offre le résumé des travaux critiques les plus importans dont l’historien romain a été le sujet. Ce résumé, en ce qui touche Catilina et la guerre de Numidie, a souvent une telle actualité, que M. Gomont prend soin de déclarer qu’il ne veut faire aucune allusion aux événemens contemporains. Aussi Salluste est-il resté avec César le plus populaire peut-être des historiens romains, car tandis que le vainqueur des Gaules nous donne dans ses Commentaires le secret de nos origines, Salluste, en écrivant Catilina, nous donne à son tour le secret de ces agitations révolutionnaires que des meneurs audacieux ont trop souvent déjà déchaînées sur notre pays, en promettant à la foule, comme l’amant d’Orestilla, la liberté, les richesses, les honneurs, la gloire : en illa, illa, quam sæpe oplastis, libertas : præterea divitiæ, decus, gloria in oculis sita sunt. De plus, au point de vue militaire, Salluste a pour nous, conquérans modernes de la Numidie, un attrait tout particulier, et la Guerre de jugurtha, traduite par M. Bureau de La Malle, figure à côté des ordonnances de campagne dans le Manuel de l’officier en Afrique. Quant à César, il a été commenté par l’empereur Napoléon au point de vue de la stratégie : ce travail du grand capitaine suffirait seul à prouver que les écrits des anciens n’attirent pas seulement l’attention des érudits et des professeurs, et qu’on peut y trouver autre chose encore que de simples études de style.

Les divers travaux que nous venons de mentionner, traductions en vers ou traductions en prose, sont de patientes et consciencieuses études, et il est à regretter qu’au lieu de s’en tenir toujours ainsi à des œuvres isolées et individuelles, au lieu de concentrer sur un seul et même auteur tout l’effort de leur science, quelques-uns de nos latinistes les plus éminens se soient dispersés dans des publications collectives où l’intérêt de la philologie est trop subordonné à l’intérêt mercantile. Nous voulons parler des grandes collections qui ont été entreprises dans ces dernières années. Ces collections présentent les mêmes inconvéniens que les encyclopédies et les dictionnaires, rédigés, comme le disent les prospectus, par des sociétés de gens de lettres, de savans, de membres de l’Institut et d’hommes du monde, ce qui semblerait indiquer que les membres de l’Institut ne sont pas toujours des savans, et que les gens de lettres ne sont pas des hommes du monde. Prenons pour exemple la Bibliothèque latine, de M. Panckoucke, et les Classiques, de M. Dubochet. On trouve dans ces deux publications des parties excellentes, et il suffit de citer celles qui sont signées entre autres de MM. Burnouf, Baudement, Durozoir, Hauréau, Héron de Villefosse, Nisard, Littré, Damas-Hinard, Ch. de Rémusat, Plougoulm, Taranne, Lorquet, Charpentier et Naudet ; mais à côté de morceaux remarquables, on trouve un grand nombre de traductions qui