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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/604

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 juillet 1854.

Il y a en vérité de singulières coïncidences dans l’histoire contemporaine. Si c’est le hasard qui les arrange, il réussit mieux que les plus savans calculs. Voici quatorze ans déjà que, presque à pareil jour, les affaires d’Orient venaient secouer l’Europe et mettre à l’épreuve la paix générale sur le continent. C’était cette triste aventure du traité du 15 juillet 1840, signé un peu plus peut-être contre la France qu’en faveur de l’empire ottoman. Les passions belliqueuses frémissaient de toutes parts ; on ne savait si, d’un jour à l’autre, n’allait point éclater une conflagration universelle, lorsqu’au même instant l’Espagne faisait une révolution, et attirait vers elle une partie de l’attention publique, La lutte était déclarée entre Espartero et la reine Marie-Christine, alors régente. Pendant deux mois que durait ce drame, on était presque aussi curieux de savoir ce qui se faisait à Barcelone, à Madrid ou à Valence que les résolutions tramées à Londres ou à Saint-Pétersbourg. Les deux questions semblaient liées et marchaient d’un pas égal. La querelle européenne s’apaisa cependant ; l’insurrection espagnole, dont le prix était la régence, triompha, et son règne fut de trois ans. Aujourd’hui la question d’Orient s’est réveillée dans des conditions différentes et autrement sérieuses ; elle a fait plus que mettre l’Europe en présence de la guerre, elle l’y a précipitée, et en ce moment encore il se trouve que l’Espagne fait une révolution nouvelle. Espartero, éclipsé de la vie publique depuis dix ans, reparaît sur le scène. La reine Christine est menacée, non plus comme régente, mais comme femme. La couronne de la reine Isabelle elle-même n’est point hors de péril peut-être. Barcelone, Madrid, ont eu leurs pronunriainientos comme en 1840. Quant au succès définitif de l’insurrection, il n’est plus guère douteux. Le tout est de savoir aujourd’hui quelle signification il prendra et jusqu’où il ira. L’Espagne, on en conviendra, choisit d’étranges momens pour faire ses révolutions. — Quoi donc ! dira-t on, faut-il que les événemens attendent le bon plaisir de l’empereur Nicolas et l’agrément de l’Europe pour