un tribunal d’inquisition politique. L’Allemagne est de plus en plus l’agent officiel du despotisme russe en Europe. Lorsque le frère d’Alexandre monte sur le trône en 1825, une insurrection éclate dans les régimens des gardes : nouvelle occasion pour la Russie de stimuler le zèle de la commission de Mayence et la sollicitude de la diète. M. d’Anstetten, ministre russe à Francfort, présente un mémoire à la diète, à la grande autorité centrale de l’Europe, comme il l’appelle, et il lui montre au sein même de l’Allemagne le foyer du mouvement qui a fait explosion à Saint-Pétersbourg. Les faits parlent-ils assez haut ? Est-ce la nation seulement qui a le droit de se plaindre ? Peuples et souverains ne sont-ils pas également offensés ici par cette arrogante intrusion de l’étranger ?
On pense bien que la révolution de 1830 aurait fourni à la Russie de spécieux prétextes pour resserrer la trame du réseau sous lequel elle tenait l’Allemagne enlacée ; mais après le tableau qu’on vient de lire, que restait-il à faire ? Maintenir sa position par une vigilance de toutes les heures, entrer plus profondément chaque jour dans les affaires intérieures du pays, gagner une partie de la presse, créer un parti russe dans toutes les cours, enchaîner les princes allemands par des alliances matrimoniales, surtout ne pas triompher avec trop de bruit et faire vanter en toute occasion le désintéressement de la Russie. Tel est le plan qui a été suivi avec une habileté supérieure. Sur ce dernier point seulement, il était difficile que le programme fût fidèlement rempli. Protecteur presque officiellement reconnu des trônes de Prusse et d’Autriche, le tsar laissa trop voir en plusieurs circonstances le sentiment de cette suzeraineté qu’il pensait avoir conquise. Il n’était pas besoin pour un esprit clairvoyant que les récentes révélations de sir Hamilton Seymour fissent connaître au monde avec quel dédain l’autocrate parle de ses vassaux d’Allemagne. « Qui ne se rappelle, dit M. Wilhelm Stricker, cet incroyable voyage du tsar Nicolas dans les cours où l’appelaient des relations d’amitié et des alliances de famille ? Une police particulière l’accompagnait comme s’il eût parcouru son propre empire, et congédiait les étrangers dont la présence eût été suspecte au maître. Et ces distributions de croix ! et ces gratifications en argent ! et ces récompenses de toute sorte accordées à des officiers, à des chambellans, à des fonctionnaires civils ! Les choses allèrent si loin, que, lorsqu’il était question de l’empereur, personne ne songeait plus au représentant de l’antique famille du saint-empire ; c’est le tsar qu’on désignait sous ce titre. L’amère ironie du petit livre populaire Histoire de l’Allemand Michel et de ses sœurs semblait devenue une