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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/725

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intérieure, je te supplie, dans ton infinie bonté, de pardonner une prière qu’un pécheur ne devrait pas faire : je doute, je ne sais si je dois publier mon De Veritate. Si ce doit être pour ta gloire, je te supplie de me l’apprendre par quelque signe céleste, sinon je supprimerai mon livre. » Il finissait à peine, qu’un bruit fort, mais doux, vint des cieux ; rien sur la terre n’en pouvait produire un pareil. Et Herbert, rassuré et joyeux, crut sa prière exaucée. Il atteste devant Dieu, dans ses mémoires, l’exactitude de son récit.

Ce qui est certain, c’est qu’il fit imprimer son livre à Paris, où la première édition parut en 1624[1].

L’autobiographie de lord Herbert est interrompue à l’année 1624, et quoiqu’il ait encore vécu vingt-quatre ans, les matériaux manqueraient pour raconter le reste de sa vie. Son ambassade prit fin avant le mariage du prince de Galles avec la fille de Henri IV (1625). Il avait été de bonne heure question de cette alliance, et une dépêche de notre ambassadeur a été imprimée, par laquelle on voit que dès 1619 il s’en entretenait avec le connétable de Luynes, qui s’y montrait favorable. Tout fut interrompu par la tentative du mariage espagnol. Cette dernière négociation déplut fort à la France, qui ne négligea rien auprès du pape pour en empêcher le succès, et qui n’eut pas de peine à obtenir qu’aucun encouragement, aucune autorisation ne vînt de Rome au roi catholique pour le porter aux concessions exigées naturellement par une cour protestante. Celle de France pouvait se montrer plus facile et plus hardie. Le prince de Condé, qui prenait une grande part aux affaires, tenait pour un mariage qui rétablirait l’alliance anglaise. Herbert écrivit que cette union était désirée par la nation et par la princesse elle-même, qu’elle s’en était exprimée assez clairement, et que quand on lui parlait de la différence de religion, elle disait qu’une femme ne doit avoir d’autre volonté que celle de son mari. Dans une dépêche au roi Jacques (24 août 1620), Herbert fait beaucoup valoir ces dispositions. Il avait une pensée constante, partagée, disait-il, par tous les bons Français (de la religion réformée apparemment) : c’est que le roi d’Espagne affectant le rôle de protecteur, même en France, du parti jésuite et bigot [the jesuited and bigot partie), sa majesté sacrée y devait répondre en se portant réellement le défenseur de la foi. On peut voir dans les Mémoires du cardinal de Richelieu quelles furent les difficultés et les conditions du mariage de l’héritier présomptif de la première couronne protestante avec la digne fille de saint Louis, destinée à soutenir, dit Bossuet, l’ancienne réputation de la très chrétienne maison de

  1. De Veritate, priait distinguitur a revelatione, a verisimili, a possibili et a falso. Paris 1624 et 1633. Une traduction française parut en 1639. Je me suis servi de l’édition de 1645, Londres, petit in-4o. Il y en a encore une de 1656.