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sur le pardon des injures ; seulement, distinguant entre les divers pardons, il avait dit qu’on devait pardonner à ses ennemis, non aux ennemis de Dieu, par exemple aux hérétiques, et que les protestans devaient être extirpés partout où ils se trouveraient. Sir Édouard se rendit aussitôt chez la reine-mère, qui le recevait sans qu’il demandât audience, et il se plaignit d’un tel sermon, surtout au moment où un projet de mariage entre le prince de Galles et la fille de Henri IV était sur le tapis. Marie de Médicis parut l’écouter sans mécontentement ; cependant le père Suffren fut informé, et il chargea un de ses amis de déclarer à l’ambassadeur qu’il n’ignorait pas qui l’avait accusé près de sa majesté, et qu’il voulait bien qu’Herbert n’ignorât pas qu’en tout lieu du monde il saurait s’opposer à sa fortune. Une telle menace justifierait ce que Montesquieu a dit des jésuites. L’ambassadeur ne put rien répondre, sinon qu’il n’y avait en France qu’un moine ou une femme qui osât lui envoyer un semblable message. Cependant il se plaignit à la reine, disant qu’il avait parlé sans amertume, qu’une indiscrétion avait averti et exaspéré le confesseur, homme encore plus malicieux qu’une femme. « À moi, femme, me parler ainsi ! fit la reine un peu surprise. -.le parle à la reine, reprit Herbert, et non à la femme. » Je ne sais si Marie de Médicis s’accommoda de cette excuse ; mais Herbert convient que s’il eût été ambitieux, il aurait fort bien pu rencontrer le père Suffren sur son chemin. Heureusement, assure-t-il, il préférait à tout la vie privée et son livre.

Ce livre, commencé depuis longtemps et en Angleterre, fut achevé vers cette époque ; c’est le De Veritate, le plus important des écrits de l’auteur. L’ayant communiqué à Grotius, qui était alors en France, échappé naguère de sa prison des Pays-Bas, il obtint de lui l’approbation qu’il désirait, et le conseil de publier. Cependant il hésitait encore ; l’ouvrage lui paraissait différer de tout ce qu’on avait écrit jusqu’alors. Une nouvelle méthode pour trouver la vérité y était exposée en dehors de toute autorité ; la pensée même du livre risquait d’être attaquée. En effet, elle ne pouvait pas être plus indépendante. Le droit naturel de l’intelligence humaine y est placé sans réserve au-dessus du droit écrit des livres, des codes, et même des symboles religieux.

Le philosophe, qui n’avait pas encore fait ses preuves, et qu’effrayait un premier début, songeait à supprimer son ouvrage. Un jour qu’il agitait avec anxiété cette question, sa chambre était éclairée par un beau jour d’été, sa fenêtre ouverte au midi, le soleil brillait par un temps calme. Herbert, son livre à la main, se jeta à genoux et prononça dévotement ces paroles : « O toi, Dieu éternel, auteur de la lumière qui luit en ce moment sur moi, source de toute illumination