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mais elle exprime avec développement et clarté cette foi exemple de crainte et d’angoisse en un Dieu créateur qui l’avait comblé de biens avant-coureurs de biens plus parfaits, et qui, en lui inspirant l’amour de la beauté éternelle et infinie, lui avait donné les moyens de le connaître, le désir de lui ressembler, la certitude de s’unir un jour à lui.


VII

Le nom de lord Herbert de Cherbury a conservé en Angleterre sa célébrité ; mais ses ouvrages sont peu lus. Ce n’est pas qu’ils n’aient, quelques-uns du moins, un vrai mérite. Comme écrivain, on ne peut lui assigner un bien haut rang ; mais dans ses compositions philosophiques se montre de l’élévation, de l’originalité et beaucoup de force d’esprit. Elles méritent une place distinguée dans l’histoire de la science.

Rien de plus froid que l’analyse d’un livre dont le sujet n’est point pour le lecteur d’un intérêt actuel. Rien de plus indifférent pour lui que l’appréciation développée d’un ouvrage qu’il n’a pas lu et ne lira jamais. Gardons-nous donc d’analyser en détail les écrits de lord Herbert, mais essayons d’en donner une idée.

Que pourrions-nous dire de ses poésies ? Ses vers latins sont d’un assez bon style. À ceux dont nous avons déjà parlé, il faut joindre une épître à ses neveux, composée probablement dans sa vieillesse. C’est un recueil de préceptes moraux, en général excellens, et dont quelques-uns sont bien exprimés. Les maximes de l’auteur en matière religieuse n’y sont pas oubliées. Jamais il n’a négligé l’occasion d’enseigner la foi en Dieu, le culte par la vertu, l’expiation par le repentir. Sa piété était toute morale et finit par passer de son esprit dans son cœur et dans sa vie.

Ses poésies anglaises sont à tous égards moins dignes d’estime. Son second fils en publia le recueil sous le titre de Vers de circonstance[1]. Quelques-unes sont ingénieuses, la plupart obscures. L’amour en est le sujet ordinaire, un amour platonique, exprimé avec plus de recherche que de délicatesse. On a remarqué une ode sur cette question : « l’amour continuera-t-il dans l’éternité ? » Par un beau jour, dans une belle campagne, Mélandre et Célinde se promettent de s’aimer toujours. Un doute vient troubler Célinde quand elle songe au dernier soupir, et son amant la rassure par quelques strophes qui rappellent, sans y rien perdre, celle d’un poète contemporain :

Toi-même à la clarté ravie,
Tu dois fermer les yeux si beaux, etc.

  1. Occasional verses of Edward lord Herbert, etc. Londres 1665, in-8o.