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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/730

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Les ouvrages historiques de lord Herbert sont placés fort au-dessus de ses vers. On a vu ce que nous pensons de sa relation de l’expédition de l’île de Ré, qui, à l’inconvément d’être rédigée dans un latin très affecté, joint celui d’être un pamphlet apologétique. Il faut autrement apprécier son Histoire du Règne de Henri V’III[1], que le meilleur juge, M. Hallam, trouve écrite dans un style mâle et judicieux. Locke la place près de l’Histoire de Henri VII du chancelier Bacon, et lord Oxford en parle comme d’un chef-d’œuvre (master-piece) de biographie historique. Le style anglais est bon, la narration est claire, la connaissance et l’exposition des affaires de l’Europe ne laissent rien à désirer. On rencontre ça et là quelques traits heureux, quelques réflexions justes ; mais ni le récit n’est assez animé, ni le jugement assez hardi. L’auteur écrit l’histoire à l’ancienne manière, sans chercher à la rendre attachante par l’action ou la pensée. D’ailleurs il composait, il nous le dit, par ordre du roi Jacques Ier, qui lui donna des documens et des conseils. Il l’en remercie dans sa dédicace, et quoiqu’il s’y vante d’avoir écrit avec sincérité, d’une plume libre, quoiqu’il n’ait pas de son vivant fait paraître son livre, on trouvera qu’il semble manquer de la première qualité de l’historien, l’indépendance. Sa justice du moins n’est pas assez rigoureuse. Soit révérence d’homme de cour pour la royauté ou de magistrat pour les formes légales, soit embarras causé par ce fonds de popularité qui n’a jamais abandonné Henri VIII, il ménage trop un tyran bizarre dont les cruautés ressemblent à des folies. Il le déclare avide et cruel, mais il lui cherche des excuses, tantôt dans sa grandeur, tantôt dans sa passion, tantôt dans sa constitution ; c’était une âme où régnait la tempête, dit-il, et comment un sujet oserait-il condamner la souveraineté ? Scrupule étrange, comme on l’a remarqué, dans la bouche d’un homme qui a fait la guerre à Charles Ier ; mais l’inconséquence est le signe constant de l’humanité.

Nous ne voudrions pas cependant qu’on le soupçonnât d’avoir dissimulé les crimes de Henri VIII ; seulement il hésite à les appeler par leur nom, quoique, dans un portrait de ce prince placé à la fin du volume, il le caractérise plus sévèrement qu’il ne l’a fait dans son récit. Là il récapitule les condamnations capitales prononcées sous ce règne, et il en parle comme d’une époque sanguinaire. Le prétexte de la religion ne pouvait tromper sa conscience. En bon Anglais, il préférait sans doute la réforme au papisme, et il ne blâme point Tudor d’avoir attaqué l’un pour établir l’autre ; mais il n’approuve ni les persécutions ni les confiscations, et d’ailleurs les dissidens eurent leur part des coups de la tyrannie. Il est froid pour toutes les causes que

  1. The Life and raigne of King Henry the eigth written by the right honourable Edward, lord Herbert of Cherbury. Londres, petit in-folio, 1619. – Il y en a eu au moins quatre éditions. Walpole en a imprimé une cinquième) en 1770 a Strawberry-Hill.