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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/819

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souvent confuse. Avec la meilleure volonté du monde, il est impossible d’y trouver les caractères d’un récit sérieux. Malgré tous ces défauts, trop faciles à démontrer, il y a des pages qui nous émeuvent, d’autres qui excitent la pensée. On sent que cette ébauche est tracée par un écrivain animé des sentimens les plus généreux, habitué aux plus nobles idées : c’est là un avantage dont l’indolence la plus obstinée ne peut le priver ; mais ces pages sont, hélas ! trop peu nombreuses, et n’effacent pas le vice radical du livre. L’historien ne donne pas à sa pensée le temps d’éclore ; il parle trop souvent avec une fastueuse abondance lors même qu’il n’a rien à dire, ou s’il tient sous sa main un rudiment de pensée que le temps et la réflexion pourraient seuls développer, il l’ensevelit sous une avalanche de paroles. Je ne saurais comparer le travail de son esprit qu’au travail d’un cheval surmené. Il lui demande l’accomplissement d’une tache au-dessus de ses forces ; il le sollicite, il l’aiguillonne à toute heure. Ni trêve, ni repos ; las ou dispos, il faut qu’il produise à tout prix. C’est vraiment un spectacle douloureux. Au lieu d’exercer ses facultés, il les épuise, il les gaspille. La sympathie profonde que m’inspire cette grande intelligence, si malheureusement fourvoyée, m’oblige à parler ainsi. Mes paroles ne sembleront pas trop sévères à ceux qui, au lieu de feuilleter l’Histoire de la Restauration, auront pris la peine de la lire. Si M. de Lamartine avait entendu plus souvent des avertissemens sincères, nous n’assisterions pas aujourd’hui à cet affligeant spectacle. La louange l’a perdu, la franchise l’aurait sauvé. Aujourd’hui, je le crains, la vérité ne peut plus lui porter aucun profit ; les habitudes pernicieuses qu’il a contractées, et que ses flatteurs glorifient, résisteront à tous les avertissemens. C’est grand dommage, car un écrivain si richement doué eût trouvé dans l’étude sérieuse de l’histoire une seconde jeunesse. Justement admiré, justement applaudi pour ses œuvres poétiques, il eût agrandi sa renommée en ouvrant à sa pensée une voie nouvelle. Que fait-il aujourd’hui ? Au lieu d’accroître l’éclat de son nom, on dirait qu’il s’applique à le ternir. Il y a trente ans, quand il attendait sa pensée, ses moindres paroles étaient recueillies avidement. Aujourd’hui qu’il a renversé l’ordre naturel des choses, et qu’il veut parler à tout prix, son nom, malgré son immense popularité, n’est plus entouré du même respect. Abordons maintenant l’Histoire de la Restauration.

Ce qui frappe d’abord dans le dernier livre de M. de Lamartine, c’est l’imprévoyance, l’absence de composition. La première chute de l’empire remplit deux volumes ; Louis XVIII et les cent jours, cinq, et le règne entier de Charles X est condensé dans le huitième et dernier volume. Il est évident que l’auteur, en prenant la plume, ne