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il y a peu de jours, de porter les conditions de ce dernier à la reine Isabelle. C’est donc sur le duc de la Victoire et sur le général O’Donnell, comte de Lucena, que s’est tout d’abord concentrée l’attention. On sait la carrière d’Espartero. Il a soixante-deux ans maintenant. Engagé dans le parti progressiste par une sorte de fatalité plutôt que par choix, il était porté à la régence en 1840 par une révolution, et une révolution le renversait en 1843. Depuis, il est resté complètement en dehors de la vie publique. Le général Espartero a toujours passé pour un courageux soldat devant l’ennemi ; malheureusement chez lui l’aptitude politique n’égale pas la valeur militaire ; il en a fait la cruelle expérience pendant qu’il était régent. Incertain et sans décision dans le conseil, facilement accessible à l’esprit de coterie, il n’y avait pas deux ans qu’il était au pouvoir, qu’il avait réussi à mettre contre lui tous les partis. C’est pour ses services militaires qu’il est resté honoré. Le général O’Donnell est beaucoup plus jeune ; il est né en 1809 et à quarante-cinq ans maintenant. Issu d’une famille très dévouée à Ferdinand VII et même à la royauté absolue, O’Donnell recevait un brevet de sous-lieutenant à l’âge où il ne pouvait certainement se servir d’une épée que pour jouer avec elle, et c’est ce qui explique la rapidité de sa carrière. Il était déjà capitaine à dix-neuf ans et colonel à vingt-cinq ans. Remarqué d’ailleurs comme soldat dans la dernière guerre de succession, il arrivait en 1839 au grade de lieutenant-général ; il avait trente ans. C’est en 1839 que par ses habiles opérations il faisait lever le siège mis par Cabrera devant Lucena, et c’est ce qui lui a valu le titre qu’il porte aujourd’hui. On a dit qu’O’Donnell avait été attaché à Espartero ; il fut un instant simplement chef d’état-major de l’armée du nord, et de là il passait au commandement, en chef de l’année du centre. Or l’armée du centre à cette époque était dans une certaine mesure une création dirigée contre Espartero, comme l’avait été précédemment l’armée de réserve dont le gouvernement connaît l’organisation à Narvaez. C’est sur O’Donnell et sur son année que le gouvernement comptait pour balancer l’influence du duc de la Victoire. Quand éclataient au mois de juillet 1840 les événemens de Barcelone, qui étaient le premier coup porté par Espartero à la régence de Marie-Christine, O’Donnell envoyait immédiatement sa démission, et au lieu de l’accepter, la régente lui envoyait le grand cordon de Charles III. Au mois d’octobre 1841, sous la régence d’Espartero, l’ancien général de l’armée du centre, prenait à Pampelune l’initiative d’une insurrection pour le rétablissement de l’autorité de Marie-Christine, tandis que le malheureux Diego Léon et Concha tentaient à Madrid d’enlever la reine Isabelle. Emigré depuis lors, O’Donnell ne rentrait en Espagne, en 1843, que pour aller comme capitaine-général à Cuba, où il est resté jusqu’en 1848. Nommé en 1849 directeur général de l’infanterie par le maréchal Narvaez, il occupait ce poste jusqu’en 1851, et c’est depuis cette époque que le général O’Donnell était devenu un des membres les plus ardens de l’opposition dans le sénat. Le 28 juin dernier, cette opposition a trouvé son dénouement. Nous ne rappelons pas ces faits pour montrer les vieilles causes d’antipathie qui peuvent exister entre Espartero et O’Donnell. Ils sont unis aujourd’hui, ou plutôt on désire qu’ils le soient, et parce qu’ils se sont trouvés dans un même cabinet, on a cru un moment le péril passé. Le plus difficile était à faire cependant ; il res-