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quatre ou cinq heures. À quelque temps de là, la porte de la dame fut fermée à Foscolo. Il ne put douter des succès de son rival. La jalousie était déjà éveillée dans le cœur du poète, elle s’enflamma de toutes les fureurs de l’orgueil blessé. Sa philosophie l’abandonna entièrement ; il chercha une vengeance. Ne pouvant l’obtenir l’épée à la main, désarmé d’abord par les soumissions et les promesses de son rival, puis trompé de nouveau par lui et audacieusement joué, ne se connaissant plus, il alla tout raconter au mari. C’était se souvenir trop tard qu’il était son ami. Foscolo se repentit amèrement de s’être vengé d’une manière indigne de lui, et la meilleure preuve qu’il ait pu donner de ce repentir, c’est la franchise avec laquelle il s’accuse dans sa correspondance.

Loin de nous la pensée d’abuser des aveux qui sortent pour ainsi dire de la tombe de ce poète infortuné. Les faiblesses des hommes à qui le ciel a départi une étincelle de génie devraient rester cachées. On n’a pu cependant laisser dans l’oubli les lettres qui concernent cette affaire un peu triste et surtout ridicule. L’homme aux leçons d’italien avait publié à Londres des confessions où la vérité de l’histoire était, à ce qu’il paraît, gravement altérée. Tout en faisant les concessions qui sont dues à un noble caractère, nous ne pouvons nous empêcher de gémir en songeant que le héros de l’indépendance italienne pouvait mourir d’un coup d’épée reçu pour une femme légère. À quoi bon maintenir au prix des pus grands sacrifices sa liberté de citoyen et d’honnête homme, s’il devait se compromettre dans une intrigue obscure avec un rival subalterne, et s’engager dans une voie d’où l’amour-propre ne lui permit de sortir que par une sorte de lâcheté ? Foscolo aimait trop les femmes pour être l’inflexible patriote et la grande âme qu’on a voulu présenter en lui. Pour être un grand homme de Plutarque, il lui manquait cette fierté qui prend un jour ou l’autre le dessus sur les faiblesses du cœur, et qui ne laisse plus de place dans l’âme que pour la patrie. Foscolo fut toujours cette imagination désordonnée qui affolait tous les quinze jours. Il ne se plaisait que dans la société des femmes ; elles seules triomphaient de ses caprices et de sa morosité. Les grands citoyens de Rome ne couraient pas les boudoirs ; il ne faut pas légèrement comparer les hommes de notre temps à ces colosses de l’antiquité,

Et sous des noms romains faisant notre portrait,
Peindre Caton galant et Brulus dameret.

Si nous diminuons un peu la gloire de Foscolo, ce qui pourra déplaire à ses admirateurs passionnés en Ilalie, nous ne tenons pas pour légitime le jugement qu’en ont porté ses ennemis. Jamais il