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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/914

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n’eut de basse jalousie contre ses rivaux en littérature, jamais il n’eut le cœur faux et déloyal. On a voulu dire qu’il faisait des dettes pour ne jamais les payer, qu’il avait des vicissitudes de richesse et d’indigence qui l’accusaient également, qu’il trahit son drapeau et ses amis politiques. On a vu comment de ces traits envenimés l’on a même fait un portrait de fantaisie qui avait la prétention d’être favorable ; toutes ces imputations sont désormais tombées devant le jugement de la conscience publique, et ce qui pourrait en rester encore sera effacé par la correspondance récemment mise au jour. Nous n’avons garde de nous arrêter au Foscolo romanesque bâti sur ces inventions ; pour n’indiquer qu’un seul point frivole, mais caractéristique, de cette peinture imaginaire, certains écrivains, hommes d’esprit, représentent Foscolo tantôt dans l’orgie, tantôt dans le dénûment. Ce second trait est de beaucoup le plus véritable ; quant au premier, si Foscolo aimait la société féminine, il était au nombre de ceux dont les anciens n’auraient pas attendu de bons vers : il était buveur d’eau ; c’était le plus sobre des poètes, et, comme on le plaisantait sur cet article, il disait qu’il était comme la chaux, qu’on trempe avec de l’eau pour la mettre en ébullition.

Après avoir fait ces corrections à l’effigie courante et comme de Foscolo, il ne nous reste qu’à les vérifier, en parcourant les points culminans de la carrière qu’il a fournie. Ugo Foscolo naquit dans une république, d’un père qui avait été poursuivi pour ses opinions contraires à l’aristocratie, d’une mère grecque, comme André Chénier, mais d’une mère qui avait une nature presque Spartiate. Il apprit à lire dans cette langue qui fut autrefois la langue d’Homère ; mais elle n’était pas seulement pour lui comme pour Chénier,


Un langage sonore, aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines ;


elle était plutôt la langue des apophthegmes lacédémoniens : chose nouvelle en Italie, un poète avare de ses vers et laconique ! Xénophon et Plutarque furent ses premiers livres. Rentré dans Venise avec sa mère, il n’y trouva que la pauvreté dans la maison de ses pères. Foscolo était de sang patricien : un de ses ancêtres, Léonard Foscolo, était généralissime dans les dernières guerres de Candie ; mais sa famille était déchue, semblable à sa maison même, qu’il trouva presque démolie. C’était un jeune homme à l’imagination prompte, à la volonté précoce. À dix-sept ans, il entretenait déjà une correspondance littéraire, où il y a sans doute de la jeunesse et même de l’enfance ; mais c’est une jeunesse et une enfance de vingt ans. Voici le portrait qu’il fait de lui-même à un ami qui ne le connaissait pas encore de vue : « Mon visage n’est pas beau, mais il a quelque