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déclarait hautement contre le libéralisme espagnol, il était facile de prévoir ce qui arriverait.

Les événemens de Madrid avaient produit une très forte impression sur l’empereur Alexandre. L’exemple d’une révolution militaire dictant la loi au souverain devait effrayer un prince qui, tout en proclamant sans cesse les vues d’une philanthropie libérale, n’avait jamais dissimulé qu’il comptait beaucoup, pour en assurer le succès, sur l’appui de ses huit cent mille baïonnettes. Il était alors possédé au plus haut degré de la manie de gouverner l’Europe au moyen d’une sorte de congrès permanent dans lequel il comptait bien jouer le premier rôle, et tout récemment il avait eu l’idée de transformer le traité de la sainte-alliance en un traité de garantie générale entre tous les états européens. En apprenant la révolution espagnole, non content de répondre à la notification officielle que lui en fit l’envoyé du cabinet de Madrid par l’expression d’un blâme formel, il proposa aux grandes cours d’établir une conférence où leurs plénipotentiaires se seraient concertés sur la ligne de conduite qu’il convenait de suivre à l’égard de cette révolution. Sa proposition ne fut pas acceptée : partout, à Londres et à Paris comme à Vienne et à Berlin, on la jugea inopportune et compromettante. Le cabinet de Londres surtout se prononça fortement contre cette tendance à exagérer le principe de l’alliance et à le généraliser au point d’en faire une source d’embarras pour un pays constitué comme l’Angleterre ; il exprima l’opinion que les gouvernemens devaient chercher leurs moyens de sûreté contre les dangers d’une révolte militaire dans des précautions et des améliorations administratives et non pas dans de vaines délibérations sur des faits que l’éloignement mettait en quelque sorte hors de leur portée. On craignait d’ailleurs d’augmenter les dangers de la royauté espagnole en irritant les révolutionnaires par des démarches qui sembleraient présager une intervention. L’empereur Alexandre, repoussé ainsi de tous côtés, dut renoncer à son projet.

Les troubles intérieurs de l’Espagne ne pouvaient en réalité affecter que la France, le seul des grands états continentaux dont le territoire fût contigu à celui de la Péninsule, et ni la France ni l’Angleterre n’étant alors en disposition d’y intervenir matériellement, aucune des autres puissances ne pouvait y penser, aucune même n’y avait un véritable intérêt. Cette considération s’appliquait à plus forte raison au Portugal, où éclata bientôt un mouvement semblable. Dans ces deux royaumes, la révolution avait d’ailleurs des causes locales, elle alléguait des griefs qui permettaient de se faire illusion sur sa portée et sur les liens qui la rattachaient aux grandes questions européennes. La crise qu’on vit éclater à Naples au commencement du mois de juillet se présentait dans d’autres conditions. Là, comme le remarquait l’envoyé d’Angleterre, sir William