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les communications méditerranéennes. Malheureusement aucun des pays limitrophes ne fournit en abondance le charbon de terre nécessaire aux bâtimens à vapeur ; on peut s’en consoler d’après cette remarque déjà anciennement faite, que les besoins rapprochent les peuples, et que le plus puissant moyen de civilisation a été l’échange des produits des différentes nations, qui les a forcément mises en rapports. Lorsqu’à la foire de Nijney-Novogorod en Russie, où les affaires se font par centaines de millions, les produits de la Chine, de la Sibérie, de la Tartarie, de l’Inde, de la Perse, de l’Asie-Mineure et de la Grèce sont échangés pour les produits manufacturés de l’Europe, — y compris les articles de chimie et de médecine, — le mouvement matériel et intellectuel qui en est la suite surpasse infiniment l’effet de toutes les écoles de philosophie bouddhistes, musulmanes ou chrétiennes.

Quand on veut établir le bilan de la Méditerranée relativement à la plus importante détermination de toute mer, savoir, la quantité d’eau qu’elle contient, on ne trouve qu’une seule cause de perte, l’évaporation, tandis qu’elle reçoit le tribut des eaux de toutes les mers et terres environnantes, et de plus la pluie qui tombe directement sur son bassin. Outre ce qu’elle tire de l’Océan et de la Mer-Noire, l’Èbre d’Espagne, le Rhône de France, le Tibre d’Italie, mentionné ici seulement à cause de l’illustration de son nom, le Pô de Lombardie, l’Èbre de Thrace, et enfin le Nil d’Égypte, sans compter un grand nombre de fleuves sans importance, viennent s’y perdre. On peut expliquer cette grande évaporation en remarquant que les vents dominans sont ceux du nord, qui sont généralement des vents secs, puisque l’air contient d’autant moins de vapeur qu’il est à une température moins élevée. Or ces vents du nord, en se réchauffant sur la France, sur l’Italie et sur la Grèce, deviennent aptes à enlever une plus grande quantité d’humidité qu’ils portent enfin au-dessus des déserts de l’Afrique, de l’Arabie et de la Perse, pour aller produire au sud la saison des pluies tropicales. Quant au vent d’ouest, qui généralement est un vent humide, il n’arrive à la Méditerranée que par-dessus les montagnes de l’Espagne et de la France, où il dépose en grande partie son humidité ; ce dépôt est l’origine de la Guadiana, du Tage, du Douro, de la Gironde, de la Loire et du Rhône. Ce vent d’ouest arrive donc presque desséché au bassin de la Méditerranée. Suivons les importantes conséquences de ces principes.

D’abord on a pensé que le niveau de cette mer, admettant d’une part le courant de l’Océan, de l’autre celui de la Mer-Noire, devait être beaucoup au-dessous de ces deux mers, et par suite de la Mer-Rouge, laquelle communique au Grand-Océan par le détroit de Bab-el-Mandel. L’expédition française en Égypte avait constaté que la Mer-Rouge surpassait la Méditerranée d’environ dix mètres.