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une retraite apparente de la mer, de même que les marées sur les côtes peu escarpées avancent ou reculent à de grandes distances. Dans les terrains disloqués et dont les assises brisées ne forment pas de masse continue, comme dans la Suisse, la Calabre et une partie de la Grèce, souvent une portion de terrain s’élève, tandis que la partie voisine s’abaisse. Je ne parle pas ici des terrains volcaniques essentiellement portés sur un fonds fluide de chaleur, dont les éruptions amènent une partie à la surface. Rien de plus célèbre que l’aventure du temple de Sérapis à Pouzzoles, dont les colonnes sont descendues au-dessous du niveau de la mer, ont été percées par les pholades et les vers lithophages, et, par la suite des siècles, se sont relevées de telle sorte, que la mer aujourd’hui baigne à peine leurs piédestaux. Je crois savoir, par les travaux de M. Capocci, astronome de Naples, que les débris du temple semblent disposés à s’enfoncer de nouveau sous la mer, pour y recommencer la bizarre pêche aux pholades qu’ils ont déjà exécutée entre le siècle des Romains et le nôtre ; c’est aussi l’opinion de M. Smyth, qui du reste fait très bien observer que dans la Méditerranée les soulèvemens sont bien plus nombreux que les enfoncemens.

L’étude de la profondeur des mers semble à beaucoup de personnes un objet purement scientifique, et comme le vaisseau de guerre le plus grand et le plus chargé d’artillerie ne s’enfonce pas à plus d’une dizaine de mètres de profondeur, il leur semble que toute mer ou toute masse d’eau qui surpasse cette quantité est inutile à sonder. D’après la coupe du détroit de Gibraltar, insérée dans l’ouvrage de l’amiral Smyth, la profondeur du détroit dans son milieu n’excède guère 60 brasses anglaises (environ 110 mètres) ; mais cette donnée est importante pour la théorie du courant qui coule de l’Atlantique dans la Méditerranée, car une si petite profondeur admettrait difficilement le contre-courant dont l’on a souvent supposé l’existence pour expliquer comment la Méditerranée, recevant continuellement les eaux salées de l’Océan, n’augmente pas de salure, ce qui du reste n’est aucunement prouvé.

Dans la table donnée plus haut des quantités de poids de l’eau de mer, on trouve en général une salure plus grande que celle de l’Océan quand on est à une grande profondeur. L’excès de salure observée en dedans du détroit à six cent soixante-dix brasses semble difficile à expliquer, tandis que les faibles salures observées près de la surface en dehors de Marseille et près des Baléares sembleraient indiquer que l’eau des fleuves, se mêlant et se confondant difficilement avec l’eau salée sur laquelle elle s’étend, est promenée à la surface, dans un faible état de salure, à des distances considérables de l’embouchure de ces mêmes fleuves. L’Amazone, l’Orénoque, la Plata, l’Indus, le Gange et les rivières du pays de Siam dessalent