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mier ordre. » Qu’on nous permette d’ajouter que c’est surtout sous son nouveau titre que nous devons espérer aujourd’hui que la France ne déchoira pas.

En général, il nous semble que l’influence du vent a été un peu exagérée dans les estimes du savant amiral. Des soulèvemens de dix ou douze pieds anglais nous paraissent difficiles à admettre, tandis que si une partie considérable de la Méditerranée, par exemple le golfe de Lyon, est déchargée d’une certaine quantité de la pression barométrique, toute l’eau environnante affluera dans ce point, où la contre-pression ne fera plus équilibre, et alors, par un temps calme, dans le silence des vents et des orages électriques, la mer montera par un de ces soulèvemens assez rares et assez peu destructeurs sur nos côtes, mais qui, dans les parages de l’Inde, poussent à l’embouchure du Gange de vraies cataractes qui couvrent la plaine à une immense distance, en engloutissant les hommes et les animaux et en rasant au niveau du sol toutes les habitations, tous les travaux agricoles. Ces raz de marées ont paru tellement étonnans, qu’on les a souvent attribués au mouvement que les tremblemens de terre imprimaient au fond de la mer ; j’ai même partagé longtemps cette opinion, qui peut-être dans quelques circonstances expliquerait certaines particularités, si du moins les indications du vent et du baromètre n’indiquaient une cause plus naturelle. Dans la riche collection de faits cités par l’amiral Smyth, on trouve un certain nombre de secousses ressenties à bord des vaisseaux non plus par des tremblemens de terre, mais bien, suivant l’expression de l’auteur, par des tremblemens de mer. Remarquons ici que les mouvemens barométriques de la mer, constatés par M. Daussy d’après les observations des grandes marées de l’Europe occidentale, ne sont qu’une très-faible partie des marées de l’Atlantique, tandis que dans la Méditerranée ces effets sont de même ordre et de même grandeur que ceux de la marée elle-même. Que dire de cet ensemble de documens ? Ce sont toujours des questions posées, des questions bien posées ; les chercheurs scientifiques qui observeront dans chaque localité en fourniront plus tard la solution. Le mérite dans les sciences n’est pas de savoir, mais de savoir le premier. Un armateur du Havre ou de Dieppe envoie un bâtiment à New-York ou à Terre-Neuve ou aux grandes Indes, sous la conduite d’un patron qui certes n’est ni un Christophe Colomb, ni un Vasco de Gama, et celui-ci accomplit cette traversée fort obscurément, mais bien plus sûrement que ces illustres navigateurs. « C’est quelque chose, dit Horace, que d’arriver jusqu’à un certain point quand il est impossible d’aller plus loin. »

Est quodàm prodire tenùs, si non datur ultra.