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nous servir ; la seconde reste seule, et elle est la plus incertaine des deux.

Ce que nous venons de dire des Types of Mankind suffit sans doute pour donner une idée de cet important ouvrage. Tel qu’il est, malgré des imperfections qu’explique la manière dont il a été composé, il a pour les ethnographes un grand intérêt, et leur fournira beaucoup d’utiles matériaux. Il faut rendre hommage au dévouement de MM. Nott et Gliddon, qui ont consacré tant de recherches et de travaux à perpétuer les idées et la mémoire d’un homme qui honore l’Amérique. Tous les savans des États-Unis ont essayé de contribuer à cette publication, les uns par leurs écrits, les autres par leurs collections ; des négocians même les ont aidés de leur argent et de leurs vaisseaux. Nous avons été étonné du nombre des souscripteurs réunis par un livre qui n’a guère d’intérêt que pour une classe de lecteurs très restreinte. Une nation qui doit sa grandeur à son industrie s’honore en montrant qu’elle sait faire des sacrifices à la science et à la gloire de ses enfans. Les auteurs le sentent et l’expriment ; ils ont le bonheur réservé aux peuples libres : ils sont fiers de leur pays.


PAUL DE REMUSAT.


GOETHE UND WERTHER, BRIEFE HERAUSGEGEBEN VON KESTNER (GOETHE ET WERTHER, CORRESPONDANCE PUBLIEE PAR KESTNER[1]. — La grande époque de la littérature germanique a été suivie d’un temps de repos assez long. Les ouvrages qu’elle a produits ont provoqué depuis plusieurs années de nombreux commentaires, et parmi ces appréciations ainsi multipliées il en est qui ont été utiles, qui ont servi à éclairer l’opinion publique sur des écrivains dont les qualités échappaient souvent à un jugement immédiat. À côté des commentaires sont venus peu à peu se placer des documens d’un intérêt plus général peut-être, des correspondances intimes et inédites par exemple, telles que ces lettres de Goethe et de la famille Kestner récemment publiées. On sait que dans les principaux ouvrages de Goethe, c’est la vie intérieure du poète qui se révèle et qui s’épanche en quelque sorte ; c’est par exemple un fait acquis depuis longtemps que le rôle joué dans la conception de Werther par un épisode tristement réel, le suicide du jeune Jérusalem, qui s’était tué par amour. Bien d’autres influences ont agi, de concert avec cet épisode, sur Goethe au moment où il écrivait Werther, et l’histoire intime d’un roman célèbre compte aujourd’hui, grâce à la correspondance qu’on vient de publier, un chapitre de plus.

Goethe avait vingt-trois ans lorsqu’il fit la connaissance de Kestner. Ce dernier rend compte dans une lettre que nous allons citer de l’impression que Goethe fit sur lui. Avant tout, il est peut-être bon de faire observer que le style de cette correspondance porte dans son désordre original le caractère robuste qui était propre à la seconde moitié du XVIIIe siècle.

« Au printemps de l’année 1772, écrit Kestner, est arrivé ici un certain Goethe de Francfort, de sa profession docteur en droit, âgé de vingt-trois ans, fils unique d’un père riche. L’intention de son père était qu’il exerçât sa profession ; mais son projet à lui est d’étudier Homère, Pindare, etc., et de s’occuper de ce que son génie, sa manière de penser et son cœur lui inspireront. Il a une imagination extrêmement vive, d’où il résulte qu’il

  1. Un vol. in 8o, chez Cotta, à Stuttgart.