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ce qui n’était pas catholique. Toute hérésie lui semblait bonne, pourvu qu’elle reniât le concile de Chalcédoine, son épouvantail. Il en résulta une anarchie de doctrines sans exemple et sans nom. Anastase attaqua alors la liturgie, dans laquelle il introduisit des innovations qui recelaient le venin de ses doctrines ; les prêtres résistèrent ; le peuple se souleva, mais des soldats, l’épée au poing, firent chanter une doxologie de la façon de l’empereur. Une troupe de moines syriens étant descendue d’Asie à Constantinople pour assommer le patriarche, d’autres moines accoururent le défendre ; on se battit dans les cloîtres, on se battit dans les églises. À Constantinople, où la population était en grande majorité catholique, des processions de prêtres, de bourgeois, de soldats, tous armés, se mirent à parcourir les rues sous les bannières militaires jointes à celle de la croix, mêlant au chant des litanies des cris de guerre et des malédictions contre l’empereur. Ces processions se rendaient au cirque, où l’on tenait concile en plein vent. Une de ces assemblées osa déposer Anastase, qui la fit dissoudre à grands coups de lance par les gardes du palais. Le peuple de son côté ne montrait guère plus de modération. Tout prêtre suspect de complicité ou simplement de faiblesse vis-à-vis d’Anastase était égorgé sans miséricorde, et on promenait sa tête au bout d’une pique. Un moine et une religieuse que l’empereur affectionnait périrent ainsi massacrés, et leurs cadavres liés ensemble allèrent balayer le pavé des rues.

Ces horreurs présageaient une guerre civile, qui ne tarda pas à éclater, et elle éclata précisément dans ces provinces du Danube ravagées si violemment par la guerre étrangère, mais où la foi catholique était enracinée. Un général illyrien, nommé Vitalianus, d’ancienne souche barbare, leva le drapeau de l’orthodoxie catholique, sous lequel accoururent par milliers les habitans des campagnes, les citadins, les soldats. En trois jours, il réunit une grande armée. On laissait là sa maison, sa famille à l’aventure, exposées au fer des Bulgares ; les garnisons romaines désertaient leur poste, pour courir à la croix ; il se présenta même des Huns comme auxiliaires de l’orthodoxie, et on les accepta. Vitalien marcha sur Constantinople et mit le siège devant la Porte-d’Or ; mais le sénat et les plus notables habitans s’interposèrent pour empêcher une prise d’assaut. On négocia au nom d’Anastase, dont on se rendit garant, et la guerre traîna en longueur. l’italien, que ses partisans voulaient nommer empereur, mais qui avait plus de foi que d’ambition, consentit enfin à traiter sous les sécurités qu’on lui offrait. Ses conditions furent : le rappel des évêques exilés, la convocation d’un concile œcuménique sous la présidence de l’évêque de Rome, dont la foi dans ces difficiles matières n’avait jamais varié, l’arbitrage du