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Le char était traîné par six chevaux affubleé de housses noires; elles tombaient, comme des manteaux de deuil, jusqu’à leurs sabots.

Derrière le char marchait un bataillon de domestiques en livrée noire, tenant des mouchoirs blancs comme la neige sur leurs visages rouges de douleur.

Tous les notables de la ville, une longue file de noires calèches de parade, suivaient le convoi.

Parmi eux, cela va sans dire, se trouvaient aussi messieurs les membres du grand conseil. Toutefois ils n’étaient pas au complet.

Il manquait celui qui aimait le faisan aux truffes; il était mort tout récemment d’une indigestion.

XIII.

LES CAPRICES DE LA BIEN-AIMÉE.

(Histoire véritable, racontée d’après d’anciens documens originaux, et traduite en belles rimes allemandes.)

Le scarabée était posé sur une haie, triste et pensif; il est devenu amoureux d’une mouche.

« O mouche de mon âme, sois l’épouse que je choisis !

« Épouse-moi, ne rejette pas mon amour ! j’ai un ventre tout d’or.

« Mon dos est d’un éclat splendide; ce ne sont que rubis et émeraudes. »

« — Je serais bien folle, vraiment ! Non, jamais je ne prendrai un scarabée,

« Ni l’or, ni les rubis, ni les émeraudes ne m’attirent. Je sais que la richesse ne fait pas le bonheur.

« Mes rêves sont pour les choses idéales, car je suis une mouche qui se respecte. »

Le scarabée s’envola accablé de tristesse; la mouche s’en alla prendre un bain.

« Où donc est ma servante l’abeille pour qu’elle m’aide à me laver ?

« Où est-elle, pour frotter doucement ma fine peau ? car je suis la fiancée d’un scarabée.

« En vérité, c’est là un magnifique parti; de plus beau scarabée, il n’en est point.

« Son dos est d’un éclat splendide; ce ne sont que rubis et émeraudes.

« Son ventre est tout d’or; il a de nobles traits. Plus d’une grosse mouche en crèvera de dépit.

« Hâte-toi, mon abeille, hâte-toi de me friser, de lacer mon corsage, et de répandre sur moi les parfums.

« Frotte-moi avec de l’essence de rose et verse-moi de l’huile de lavande sur les pieds.

« Il ne faut pas que j’exhale de mauvaise odeur quand je reposerai dans les bras de mon fiancé.

« Déjà les demoiselles bleues, comme mes filles d’honneur, viennent me complimenter;

« Elles me tressent dans ma couronne virginale de blanches fleurs d’oranger.