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de la découverte, c’est-à-dire M. Bakhuisen. Depuis plus d’un an, tous les hommes en Europe qui s’occupent de l’histoire de la peinture connaissent les faits exposés et prouvés par l’écrivain hollandais. Pour avoir donné un extrait d’un livre imprimé à Amsterdam, M. Michiels voudrait-il se placer entre Eugène Burnouf et Stanislas Julien ? Croit-il être seul capable de consulter utilement les documens hollandais ? Ce serait une étrange illusion.

A quoi se réduisent les idées de M. Michiels, ses interprétations, ses jugemens, sur le chef de l’école flamande ? Il affirme que Rubens ne doit rien à l’Italie, il va même jusqu’à regretter qu’il ait franchi les Alpes. Il lui refuse d’une manière absolue le sentiment chrétien, et l’accuse de spinosisme. C’est là sans doute une idée qui, à défaut d’évidence, possède au moins le mérite de l’originalité. Une idée si neuve est une propriété sacrée à laquelle je me garderai bien de toucher. Je suis pénétré d’un tel respect pour cette interprétation inattendue du génie de Rubens, que je n’ai pas même osé la mentionner. Est-ce qu’aux yeux de M. Michiels mon silence équivaut à une spoliation ?

Que le public apprenne donc en même temps ma faute et mon repentir. Rubens n’est pas seulement un païen, mais un panthéiste de la plus dangereuse espèce. Voilà ce que j’aurais dû dire pour contenter M. Michiels, en ayant soin, bien entendu, de le nommer, car il a le droit de revendiquer cette admirable interprétation. En parlant de Rubens, j’ai assigné à son talent une double origine : Paul Véronèse et Michel-Ange; mais j’ai oublié Spinoza. J’ai osé soutenir que la Descente de Croix ne blesse en rien le sentiment chrétien. Après cette confession, ma culpabilité est malheureusement trop bien établie. J’ai dévalisé M. Michiels, j’ai affirmé ce qu’il nie, j’ai nié ce qu’il affirme; le crime de spoliation est flagrant. Que M. Michiels me permette pourtant de lui rappeler un vieux proverbe : « on ne dépouille que les riches. »


GUSTAVE PLANCHE.


Nous recevons aussi, à propos du travail de M. Planche, une lettre non moins inattendue, mais qui nous arrive trop tard pour qu’on s’en occupe dans ce numéro; nous la réservons pour le prochain. C’est celle de M. le directeur des musées, qui réclame contre une assertion au sujet de la restauration des Noces de Cana de Paul Véronèse. Cette réclamation se trompe peut-être de date, et nous aurons diverses observations à présenter à cet égard.


V. DE MARS.