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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/665

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vrai savoir-faire et un sentiment délicat se perdre et se déformer sous un amas de connaissances mal classées, pour n’aboutir qu’à de pareilles puérilités.

En jetant un regard en arrière, en comptant toutes les autres peintures qui se sont données comme des compositions historiques ou sacrées, et auxquelles cependant il nous est impossible d’accorder cette qualité, nous sentons le besoin de mieux expliquer notre pensée sur ce point. A nos yeux, pour être un peintre d’histoire, ce n’est pas assez de choisir un de ces épisodes où les passions et les sentimens humains font encore du passé une vivante actualité, et de le traduire ensuite en couleurs avec patience et habileté. La grandeur et l’élévation, ces qualités sur lesquelles nous revenons à dessein, sont les seules magies dont la peinture dispose pour élever de telles scènes au-dessus des aventures de grand chemin, et pour leur garder l’importance que l’historien leur a donnée en les recueillant dans ses annales. Quand un tableau veut refléter dignement les côtés graves de la vie, et le bien ou le mal qu’ils renferment, il faut qu’il soit grave lui-même, il faut que par la sensation qu’il cause il soit propre à enseigner, à élever et à ennoblir. Sans cela, il ne sera guère qu’un jouet ingénieux ou un simple objet d’ornement.

Et cependant ce style mitoyen qui n’est pas le genre (car il est trop sérieux et trop ambitieux), et qui n’est pas davantage l’histoire (car il se sent trop de la mesquinerie et du tracas de la vie journalière), a trop de chauds partisans pour que nous refusions de compter avec lui, ou du moins de l’admettre pour ce qu’il est; d’ailleurs il a fourni a tant de peintres l’occasion de déployer de remarquables aptitudes, que force nous est d’accorder en tout cas un mérite à ses créations hybrides, celui d’avoir ouvert un rôle à nombre d’individus qui sans elles n’auraient jamais pu avoir ni rôle ni place comme artistes. Toutefois un doute nous arrête à ce moment. Si, la mémoire respectueusement occupée des chefs-d’œuvre du passé, nous nous bornions à mesurer ces capacités modernes sur des mesures taillées d’après les vieux géans, et si, dans notre désappointement de les trouver trop petites, nous allions jusqu’à méconnaître leur importance, nous serions injuste, car elles ont certainement une importance, ne fût-ce que celle qui leur vient de leur nombre et du crédit dont leurs produits jouissent auprès des masses. Le mieux peut-être serait d’avoir un terme à part pour désigner cette espèce nouvelle et vivace de compositions ; quant à nous, on nous permettra de lui donner le nom de peinture dramatique. Évidemment tous les sujets où la figure humaine est le principal centre de l’intérêt sont susceptibles d’être conçus au point de vue du drame, et, présentés de la sorte, ils peuvent, avec peu de qualités artistiques, devenir intéressans pour la