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expédiens et les pures coquetteries sont déplacées et absurdes dans les travaux du sculpteur. Le marbre veut qu’on l’attaque franchement, avec pleine conscience de ses propriétés particulières, qui sont la solidité, l’ampleur et la simplicité, et nul ciseau ne saurait rester sincère et fidèle à ces exigences à moins d’être guidé par la science, la grandeur et la vérité. Marbre, cire et plâtre, tous les envois de la sculpture ne dépassent pas, au total, le chiffre de 184, et si l’on retranche les portraits, qui s’élèvent à 137 et qui sont pour la plupart des bustes, il ne reste que 47 morceaux parmi lesquels on puisse chercher des œuvres où l’imagination et les capacités plastiques de l’artiste aient pris libre carrière. Quelques figures de nymphes et de déesses, d’une conception poétique, mais qui s’adressent autant, notons-le, à nos instincts d’homme qu’à nos sentimens esthétiques, composent toute la fête qui nous est offerte. Si parmi les sculpteurs anglais il en est qui savent rendre les idées héroïques et sublimes, qui assurément s’allument encore dans une race pleine de sève et accoutumée de longue date aux pensées élevées et aux nobles audaces, c’est ailleurs qu’il faut les chercher. Ici ils ne se montrent pas.

Pour clore ces remarques sur l’art anglais, il nous reste à jeter un regard sur les deux expositions d’aquarelles. Quoique nous sentions de l’éloignement à les admettre aux mêmes honneurs que la peinture à l’huile, nous aurions assez de peine à dire pourquoi, car le plaisir qu’elles causent est grand, et il est encore relevé par l’idée que des résultats aussi admirables ont été obtenus avec d’aussi faibles moyens. Les Anglais, comme on le sait, s’adonnent avec grand succès à ce genre de peinture, on peut même aller jusqu’à dire qu’ils l’ont créé en l’amenant à sa perfection, car, à moins d’être poussé fort loin, il est trop insignifiant et trop futile pour se faire recevoir au nombre des types de l’art. On n’a donc pas lieu de s’étonner que les deux galeries soient remplies de chefs-d’œuvre. Néanmoins il y a des différences de poids entre les morceaux d’élite, et la balance n’est pas en faveur des sujets à figures. On peut leur reprocher une dureté et une sécheresse qui marquent sans doute l’étroite portée des ressources de l’aquarelle; en revanche, ses charmes particuliers, où l’heureuse indécision des formes et les effets vaporeux de couleur ont tant à faire, se trouvent pleinement à l’aise dans les paysages, qui sont d’un singulier mérite, et qui constituent le gros des deux expositions.

A peu de distance de l’Académie royale et dans un local modeste, mais au centre d’un quartier fashionable, une exposition française, composée d’environ deux cents tableaux, s’est ouverte en même temps que les exhibitions nationales. Le catalogue renferme un avis au public, rédigé dans de fort bons sentimens, qui annonce le salon