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manquait absolument à Charles IV, et quoi qu’il ait pu rêver, la mesure de ses talens politiques et guerriers ne lui permit pas de prendre par lui-même, dans les affaires de l’Europe, le rôle que ne pouvait lui donner la petitesse de ses états. Il ne sut ni choisir entre la France, et l’Autriche, ni porter le secours de son bras là où il ne pouvait fournir une armée.

La principauté de Bouillon, transmise nominalement par les femmes jusqu’au père du vicomte de Turenne, était bien moindre encore que la Lorraine; mais elle donna un grand général à la France. Le XVIe et le XVIIe siècle avaient vu plusieurs exemples de ces titulaires de petites souverainetés devenus par leur épée et leur conseil les soutiens illustres des plus grandes puissances. Charles IV, que son spirituel et savant historien accuse de trop d’ambition active et guerrière, ne fit pourtant rien de semblable, et se consuma dans des projets sans portée et des intrigues sans but.

Sa plus grande faute ne fut pas de méconnaître le génie et l’ascendant futur de Richelieu, très marqués cependant dès l’origine : ce fut de ne pas opter entre la France et l’Autriche, et de ne pas se porter tout entier du côté qu’il aurait choisi. Son indécision, puis, quand il choisit enfin, son activité contrainte et passive hâtèrent par l’insignifiance de son règne l’annulation de son petit état, destiné dès lors à être englobé dans la France, dont la Lorraine pouvait rester longtemps une vaillante et fidèle avant-garde.

Cet intérêt et l’espoir de ce rôle une fois manques par les vacillations vaniteuses de Charles IV, il reste encore pour l’histoire le piquant tableau des intrigues politiques d’alors et le tableau instructif et moral de l’état intérieur de la Lorraine. Sous ce double rapport, les récits de M. d’Haussonville sont attachans, curieux, tout à fait neufs d’agrément et de vérité. Il a ouvert, dans l’époque de Louis XIII et les temps qui suivirent, un filon négligé.

Au siècle dernier, un savant religieux, homme d’esprit, à qui toutes les archives étaient ouvertes, le père Griffet, que M. Royer-Collard nommait le plus impartial des jésuites, a fort habilement décrit la concentration et l’accroissement de la France sous Richelieu. Beaucoup plus tard, depuis la révolution et l’empire, et après quelques essais de la restauration et de la charte, un homme de lettres, qui connaissait les affaires et la vie, M. Jay, a écrit l’histoire du grand cardinal dans une vue de réhabilitation posthume du despotisme, au nom de la gloire.

De nos jours enfin, un écrivain royaliste et sceptique, du reste chercheur habile, M. Bazin, a curieusement traité ce qu’il n’hésitait pas à nommer le siècle de Louis XIII. Eh bien ! nous sommes frappé de tous les faits retrouvés ou mieux éclaircis, de toutes