Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/685

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les vues, de tous les détails caractéristiques, qui, manquant à ces divers ouvrages, où ils pouvaient avoir leur place, abondent et se pressent dans le livre vraiment nouveau de M. d’Haussonville. C’est que la méthode de l’auteur est excellente, qu’il ne se paie jamais de généralités et de mots, et qu’il veut connaître et décrire une époque éloignée, comme un esprit bien fait étudie et pénètre les affaires contemporaines qu’il a sous les yeux. A cet égard, le talent remarquable, la sagacité complète dont M. d’Haussonville a fait preuve, il y a quelques années, dans son livre de la politique extérieure de la France, se reproduit très heureusement dans ce nouveau volume, où elle s’applique, à deux siècles de distance, dans des conditions de politique et de société si différentes. C’est que le scrupule des recherches, la sûreté du jugement et l’art de l’exposition doivent être toujours les mêmes, quel que soit le sujet. On ne raconte bien que ce qu’on sait avec la plus juste précision, et on ne connaît bien les faits qu’en étudiant à fond les pièces originales. M. d’Haussonville s’est servi de cette étude à tous les degrés, et pour toutes les faces de l’histoire, depuis les chroniques romanesques de la cour jusqu’aux vieilles lois et coutumes du pays. Par là, et grâce à cette variété de détails nouveaux, la Lorraine, déjà dominée par la langue et les mœurs de France, avant d’être conquise et tout à fait assimilée, garde sous la plume de l’historien sa physionomie à part, son originalité, lors même qu’elle va perdre son indépendance. On s’intéresse au peuple, tout en se détachant du souverain compromettant et vaniteux. On souhaite la durée de l’un, sans s’inquiéter beaucoup pour la couronne ducale de l’autre. C’est qu’en effet, si la société lorraine avait des mœurs saines et fortes, de précieux usages, des libertés bien acquises et sagement maintenues, la cour de Charles IV, moitié intrigante, moitié chevaleresque, semble frivole et vaine.

Cela même n’est pas une des moins agréables diversions du récit de M. d’Haussonville. Aujourd’hui surtout qu’il est reconnu avec raison que tout ce qui a fait partie des influences d’un temps fait partie de son histoire, et depuis que de grands et graves talens ont rendu à la célébrité et presque à la gloire jusqu’aux faiblesses et aux pénitences modestement cachées du XVIIe siècle, on ne s’étonnera pas de trouver mêlés aux angoisses politiques du petit royaume de Lorraine les combats du cœur et les faiblesses de son roi. Mme de Chevreuse, la veuve du connétable de Luynes, l’ambitieuse amie de la reine Marie de Médicis, la persécutée de Richelieu, Mme de Chevreuse, à la cour de Nancy, ne commence pas seulement un chapitre de roman; elle noue une intrigue politique, elle prépare une guerre que Charles IV ne fera pas. M. d’Haussonville, toujours exact et précis, remarque, la chronologie à la main, qu’à cette époque