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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/74

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armés ou organisés ? Au premier bruit de guerre sur le continent, ces individus seront au moins neutres, et leurs chefs ouvriront des négociations avec l’ennemi. A la nouvelle d’une bataille perdue sur l’Isonzo ou sur l’Adige, ils se tourneront contre vous. Suis-je en paix ou vainqueur, qu’en avez-vous besoin ?... Ces gens-là s’enorgueilliront et croiront n’être pas conquis. Tout peuple étranger qui a cette idée n’est pas soumis... Un seul cri italien; « Chassez les barbares au-delà des Alpes ! » vous arrachera toute votre armée. Si vous ne prenez point de mesures plus vigoureuses que celles que vous avez prises jusqu’ici, vous serez détrôné honteusement à la première guerre continentale. Vous êtes trop bon, surtout pour le pays où vous êtes. Il faut désarmer, faire juger et déporter... Si vous gouvernez votre pays avec vigueur et que vous en retiriez cent quarante à cent cinquante millions de contributions, vous aurez six vaisseaux de guerre et autant de frégates, qui, joints à ma marine de Toulon, rendront plus difficile et plus chanceuse aux Anglais leur domination sur la Méditerranée. N’employez pas trop les troupes napolitaines, qui vous abandonneraient si j’étais battu en Italie. Il faut calculer ainsi. Employez des troupes qui ne vous abandonneront pas. Souvenez-vous bien de ce que je vous dis : le destin de votre règne dépend de votre conduite à votre retour de Calabre. Ne pardonnez point; faites passer par les armes au moins six cents révoltés : ils m’ont égorgé un plus grand nombre de soldats. Faites brûler les maisons de trente des principaux chefs de villages, et distribuez leurs propriétés à l’armée. Désarmez tous les habitans, et faites piller cinq ou six gros villages de ceux qui se sont le plus mal comportés. Recommandez aux soldats de bien traiter les villes qui sont restées fidèles. Privez de leurs biens communaux les villages révoltés, et donnez-les à l’armée, surtout désarmez avec vigueur. »


Loin de s’affliger des résistances que Joseph rencontre dans les Calabres, l’empereur inclinerait, ce semble, à s’en féliciter, car ces résistances lui paraissent de nature à permettre dès lors une première et large application de ce système de colonisation militaire dont il a emprunté la pensée à César et à Octave. Il voudrait donc que l’on fît pour ces rudes contrées ce que l’Angleterre de Cromwell fit pour l’Irlande, et que la propriété du sol y passât, par droit de conquête, aux mains des soldats français. Napoléon propose à Joseph de rendre de sa pleine puissance impériale un décret pour confisquer la moitié des revenus publics et particuliers dans toutes les provinces insurgées. Cet acte permettrait d’établir dans le royaume de Naples trois ou quatre cents familles françaises investies de riches fiefs provenant, ou du domaine de la couronne, ou de la dépossession de ceux qui auraient pris les armes contre la France, ou des biens confisqués sur un certain nombre de couvens. L’empereur entend d’ailleurs que les chefs de cette nouvelle féodalité européenne, dont il rêve la création, aient tous une maison à Paris, parce que c’est là qu’est le centre de tout le système; il se propose d’entourer son trône d’un certain nombre de grandes fortunes élevées à son ombre