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demandes subites de remboursement qui excéderaient les ressources disponibles des banques et de l’état.

Ce chiffre énorme de la soi-disant dette flottante se compose donc, d’après les évaluations de l’auteur, de trois élémens distincts : 1° des billets de série remboursables en huit années, 2° des billets de crédit qui représentent le papier-monnaie, 3° des capitaux placés aux banques et aux lombards.

Le total des billets de série en circulation montant à 75 millions de roubles (300 millions de francs), qui constitue la dette flottante proprement dite, n’est pas exorbitant pour un état comme la Russie, et ce qui le prouve le mieux, c’est que ces effets s’écoulent facilement dans la circulation et sont toujours très-recherchés. Le cours des billets de crédit qui constituent la monnaie fiduciaire du pays est suffisamment garanti par un dépôt métallique dont le Moniteur a arbitrairement réduit le montant[1].

La chance de l’insolvabilité n’existerait donc que pour les capitaux placés aux différentes banques et remboursables à bref délai, dont M. Léon Faucher porte le montant à 3 milliards 200 et quelques millions de francs. Il y aurait bien à défalquer sur cette évaluation quelques sommes qui ne peuvent pas être considérées comme une dette remboursable à volonté; mais cela entraînerait des explications qui seraient peut-être peu intelligibles pour ceux qui ne connaissent pas en détail le maniement des fonds et la comptabilité de nos banques : nous ne prendrons donc ici en considération que le fond même de la question.

La sécurité des sommes que les banques doivent aux déposans, en tant que les actifs de ces établissemens de crédit ne sont pas couverts par les effets escomptés à la banque de commerce et par les dépôts des marchandises, repose sur l’hypothèque des biens-fonds engagés aux banques et sur la garantie générale du gouvernement. Elles sont effectivement remboursables à bref délai, tandis que les créances de la banque sont hypothéquées pour des termes plus ou moins éloignés, et c’est ce qui constitue aux yeux de M. Léon Faucher le danger de la situation.

Les observations de M. Faucher, fondées sur des principes généralement adoptés en matière de crédit et sur l’expérience des autres pays, sont très rationnelles, et au point de vue général nous partageons entièrement ses opinions sur ce sujet.

Nous convenons que des banques établies sur le même principe que celle de la Russie ne pourraient se soutenir longtemps dans aucun autre pays et crouleraient à la première crise financière. En Russie, elles existent parce qu’elles ont une raison d’être. Elles se soutiennent depuis plus d’un demi-siècle, elles ont traversé bien des crises sans être ébranlées, et leur crédit n’a fait que grandir de plus en plus, parce que cet état de choses est fondé sur une situation spéciale dont le vice se corrige en grande partie par les circonstances mêmes qui ont donné lieu à cette organisation exceptionnelle de nos établissemens de crédit, comme nous l’avons observé plus haut. Le danger d’une demande subite de remboursemens, dans des proportions qui excéderaient la possibilité d’y faire face, est considérablement atténué par

  1. Voyez ce qui a été dit plus haut sur ce sujet.